Oui, je vous l’ai dit, Daniel Mille, musicien à
l’accordéon magique
est aussi grâce à sa collaboration avec Jean Louis Trintignant un
passeur de poèmes…Et comme je l’ai écrit, même si je n’aime pas entendre lire les textes que j’aime par quiconque, à les entendre tous deux, reconnaître dans leur choix des poèmes que j’aime, m’a donné l’envie de refeuilleter mon petit Desnos de chevet, pour y retrouver d’autres poèmes que j’aime…
De la sombre période que Desnos a nommée « ETAT DE
SIÈGE »,
dont Trintignant a tiré le poème « Couplets de la
Rue Saint –Martin »:
« Je n’aime plus la rue Saint –Martin
Depuis qu’André Platard l’a quittée »
J’ai pour ma part toujours aimé la simplicité musicale et
l’émotion profonde de certains autres textes :
Demain
Agé de cent mille ans, j’aurais encore la force
De t’attendre, ô demain pressenti par l’espoir .
Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses
Peut gémir : Le matin est neuf, neuf est le soir.
Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille,
Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu,
Nous parlons à voix basse et nous tendons l’oreille
A maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.
Or, du fond de la nuit nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas, c’est pour guetter l’aurore
Qui prouvera qu’enfin nous vivons au présent.
1942
...Sans doute parce qu’il garde l’attente de la splendeur du
jour…
...Et cet autre, parce que je ressens dans ses belles images
énigmatiques, l’étreinte de l’Angoisse, et parce que j’aime que demeure, dans
cette angoisse, étouffé mais présent, sur le mode du doute, l’espoir suprême celui de s’en sortir !!!
Retrouveras-tu le chemin… ?
..AU TEMPS DES DONJONS
As-tu déjà perdu le mot de passe ?
Le château se ferme et devient prison,
La belle aux créneaux chante sa chanson
Et le prisonnier gémit dans l’in pace.
Retrouveras-tu le chemin, la plaine,
La source et l’asile au cœur des forêts,
Le détour du fleuve où l’aube apparaît,
L’étoile du soir et la lune pleine ?
Un serpent dardé vers l’homme s’élance,
L’enlace, l’étreint entre ses anneaux,
La belle soupire au bord des créneaux,
Le soleil couchant brille sur les lances,
L’âge sans retour vers l’homme jaillit,
L’enlace l’étreint entre ses années.
Amours ! O saisons ! O belles fanées !
Serpents lovés à l’ombre des taillis.
1942
J.L. Trintignant nous
a aussi parlé de ces poèmes pour enfants, Chantefleurs et Chantefables …
Ce que dit Youki Desnos :
« C’est pendant l’occupation, au cours d’une de ces
soirées où nous nous serrions les coudes et réchauffions le cœur entre amis que
René Poirier suggéra à Desnos d’écrire quelques petits poèmes pour les enfants…
Quelques temps après, [ Desnos] lui remit les quelques
poèmes que voici, ses derniers hélas, car la Gestapo vint l’arrêter presque aussitôt.
Michel Gründ en hâta l’édition pour faire une surprise au
poète ; Desnos était tellement vivant que son retour ne faisait pas de
doute pour nous…
Plus que des très connus et drôles, Le Pélican de
Jonathan, Une souris de dix-huit mètres, de très surréalistes La
belle- de -nuit, de tradition comptine, La Sauterelle …
J’ai choisi pour vous celui-ci, pour sa grande et sensuelle
simplicité :
Rose rose, rose blanche,
Rose thé,
J’ai cueilli la rose en branche
Au soleil de l’été.
Rose blanche, rose rose,
Rose d’or
J’ai cueilli la rose éclose
Et son parfum m’endort.
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