samedi 13 octobre 2012

Les cinq petits cochons d’Agatha …Christie !



 J’aime Agatha  Christie…Ce ne fut pas pour moi une lecture de gamine : je l’ai lue quasi intégralement pendant mes études de lettres, comme une sorte de contrepoids de badinerie et d’émotions,  à une littérature en général plus résistante à la lecture, souvent moins abordable et souriante. LA littérature !
A l’époque, la fréquentation d’Agatha , n’était pas avouable, surtout dans les amphis de la fac de lettres…
Le polar déjà... !!!! Encore, la série noire, bon,  était reconnu « littérature » !
Mais ce monde de vieilles dames et gentry anglaises n’était que littérature de gare et roman à l’eau de rose !
Puis le cinéma et Peter Ustinov  conférèrent à ses machineries subtiles autant qu’artificielles, et à son Hercule Poirot une sorte de label de noblesse.
Et depuis quelques années je savoure,  non sans quelque arrière -pensée ironique, le succès dont  jouit désormais Agatha dans la culture de Télérama !
J’adore les adaptations qu’en a faites Pascal Thomas au cinéma  puis récemment Eric Woreth à la télévision avec Antoine Duléry et Marius Colucci.
« Les petits meurtres », un titre qui semble suggérer un  parti pris de la série : des œuvres moins connues.
J’en aime certaines particulièrement pour leur atmosphère bizarre et triste, et plus particulièrement encore les Cinq petits cochons

Cinq petits cochons …Dix petits nègres …Un deux trois…
Les nursery ryhmes  inspirent souvent les titres d’Agatha et viennent souligner par leur récurrence  les étapes de l’intrigue.
Donnent aussi une atmosphère un peu étrange comme des échos lointains de voix argentines. Mais qu’on ne s’y trompe pas ces échos n’apportent pas la fraîcheur optimiste et naïve  de l’enfance mais peut-être le supplément de cruauté de l’insouciance enfantine.
 Les comptines populaires de nos régions aussi sont souvent ainsi  d’une cruauté brutale…
Ô « Bibi Lolo de Saint Malo
 Qui tue sa femme à coups de couteau
Qui la  console à coup de casserole
Qui la guérit à coup de fusil ! »
Pascal Thomas dans l’adaptation remarquable de L’heure Zéro en a donné un effet ciné , même étrangeté, même douce dérision , même absurdité avec le petit manège orchestre qui passe dans le film et ponctue les séquences du récit…
La légèreté du monde fabriqué par A.Christie  frôle souvent une vision  tragique de la vie.
Dans ses histoires, du moins dans ma lecture de ses histoires, les personnages, Hercule Poirot, « Papa Hercule », et  Miss Marple, sagace Mamie tricoteuse ont souvent pour rôle de déjouer les machinations du destin et de conjurer magiquement le malheur « qui se met en route »…
Mais Peter Ustinov ne joue pas, il me semble,  ce Poirot- là et Pascal Thomas n’a pas choisi ces deux personnages pour ses films . Sa Tuppence et son Tommy, vieux amoureux sont aussi des  parents « indignes », pas vraiment rassurants pas tout à fait sympathiques. Quant à Antoine Duléry, alias Larosière, et son Colucci d’inspecteur Lampion, ils ajoutent l’ambiguité de leurs rapports et de leur rapport à la vie à la personnalité des enquêteurs , et une  dérision douce- amère au tragique des choses.
Si bien que même s’ils déjouent toujours les machinations, ils ne rassurent pas, n’apparaissent pas comme un recours magique.
Cinq petits cochons…
Le refrain des cinq petits cochons mis en scène par le jeu père- fillette, dans un jardin fleuri,  accroît le caractère tragique  de ce qui pourrait n’être qu’une bluette fantaisiste : le lien de la fillette à son père et à sa mère est au cœur du récit,  le père est mort et la fillette est une jeune femme qui vient  découvrir que sa mère est coupable de son meurtre ou du moins accusée…et même si en happy end Commissaire et Inspecteur prouvent l’innocence de l’accusée, l’irrémédiable est accompli et irréversible !
Happy end relatif, dérisoire, en regard de l’amour perdu, au moment même où il eût pu triompher…tragique bien dans la tradition occidentale du Don Juan, amour fatal, subi, destructeur… « Passions » au sens propre, de la  création passionnée jusqu’à   la souffrance de l’œuvre,   et de la  conquête passionnée d’une femme très belle, abandonnée lorsque séduite…
 Cinq petits cochons, cinq petits cochons …



La petite fille reste face à ce vide de la vie !



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