Le cours d’espagnol...
J’ai toujours regretté de ne pas avoir appris l’espagnol. Enfant , au Lycée Classique de Jeunes Filles de Dax, j’ai eu le privilège (!)d’être admise en section « classique » et j’ai donc étudié le latin, le grec et l’anglais. Honnêtement, j’étais plus douée en langues anciennes qu’en langues vivantes, mais, à défaut d’oser parler et donc d’y progresser, j’ai acquis un honnête niveau de lecture de l’anglais.
Et j’ai adoré le latin …
Peut-être est-ce ce goût immédiat pour la langue romane qui explique en partie ma fascination pour l’espagnol.
Peut-être aussi l’environnement culturel de ma petite ville, très ouverte à toutes les influences hispaniques : les fêtes, les échanges avec l’Espagne proche, la forte communauté espagnole républicaine qui avait trouvé asile chez nous et dont j’ai fréquenté les enfants, et mon amitié avec Cécile H… l’une d’eux….Bref, j’enviais mes camarades qui n’avaient été admis qu’en section « moderne » (! )et qui purent, dès la 4°, choisir « Espagnol seconde langue ». Pendant les vacances, je badais leurs échanges avec leurs correspondants espagnols qui venaient chez eux l’été…
J’ai donc plusieurs fois entrepris une « autodidactie » de la langue : manuels, de mes élèves de collège, puis de ma fille, méthode « Assimil », fréquentation occasionnelle de quelques éditions bilingues, Ferias, poèmes de Garcia Lorca, livrets d’albums d’Atahualpa Yupanqui, de la Línea Del Sur , ou des chants de la guerre d’Espagne….
Je n’en ai tiré que le plaisir, au demeurant non négligeable, d’y ressentir la proximité d’une langue familière, toute proche du latin, ou du "patois" de mon pays, mais qui, pour me sembler proche, me demeurait toutefois étrangère, surtout quand elle était parlée et pire « à parler » !!!…
J’ai donc décidé plusieurs fois , depuis ma retraite,de prendre des cours …
Et je vis là à mon tour ce que je reproche à mes petites filles dans les multiples activités qu’elles entreprennent à chaque rentrée, danse, chorale, piano, hip hop, trampoline, cirque, foot…., qui, entamées dans l’enthousiasme, parfois tournent court quand la fatigue de l’hiver et de l’école opère un tri dans l’emploi de leur temps…
Bref, j’abandonne …
Cette année, ayant perdu par l’évolution de sa vie, ma petite prof et amie Costaricienne, je me suis donc réinscrite à un nouveau cours.
Un groupe d’une quinzaine de personnes, une prof espagnole installée en France, simple, charmante et active. Et là, je me retrouve élève, et me regarde élève , dans la classe, et nouvelle... Et, bien entendu, comme quand j’ai appris à skier- assez tard-, cette expérience d’apprentissage, me donne fort à penser aux apprentissages vécus par nos élèves et nos propres enfants .
Penser à l’importance (?) de la relation immédiate qu’on a avec la prof, et de l’appréciation qu’on porte aussitôt sur lui. Dans ce cas précis, sympathie, confiance en son savoir, appréciation du rythme de travail, de la structuration des séquences qui fait qu’on attend d’elle un guidage averti….En revanche , si cette relation est négative….
A l’importance des autres : autour de la table de notre cours, je les ai tous reconnus, mes chers élèves d’autrefois. Il y a les redoublants avertis, qui, tâchent de faire montre de leur savoir déjà là. Complexés en fait ! Il y a la fayot de service, qui commente tout, apporte digressions et surenchères susceptibles de la valoriser, ou pose questions sur questions. Stressée en fait ! Il y a la plus novice, qui ne s’est pas livrée comme moi aux autodidacties buissonnières , visiblement perdue, hésitant à enchaîner le moindre groupe de mots. Mais en fait, contrairement à sa voisine, déterminée à y arriver ! Il y a celle qui ne se manifeste que peu, mais qui « enquille » du savoir l’air de rien. Il y a les deux « bien appliquées », peu sûres d’elles, qui se réconfortent l’une l’autre.
Il y a Maria la prof qui tâche d’accueillir positivement toutes interventions et d’équilibrer les présences des uns et des autres, sans trop digresser mais un peu, pour combler curiosité et intérêts sans nuire au déroulement de son projet d’enseignement… .
Et il y a moi, qui essaie d’apprendre, prends plaisir aux digressions, mais tente de ne pas tenir trop de place, ou de trop se mettre en avant : une élève qui se regarde avec un œil de prof.
Et ma foi, je ne me trouve pas si mal de ce côté-ci du bureau…
Peut-être parce qu’il n’y a pas d’enjeu scolaire, évaluation ou examen , juste un projet personnel d’apprentissage . Il n’y aura pas non plus de comparaisons , de compétitions. Ni d’exclusion, ni de stigmatisation …
Peut-être parce que les apprentis assis autour de la table –ronde- ont engagé volontairement ce projet d’apprentissage…Pas de récalcitrant perturbateur !.
Peut-être parce que la prof sait s’y prendre …
Peut-être parce que les vieilles élèves que nous sommes réussissent à réguler leurs rapports assez harmonieusement…
Je ne sais pas si cette fois je ferai de vrais progrès, peut-être l’absence de contrainte qui autorise le renoncement, jouera–t-elle contre moi finalement…
Mais cela me donne encore une fois à réfléchir aux apprentissages, les nôtres et les leurs, et aussi à rêver à «l’esprit » de l’école, à ce qui fait qu’une classe, ce groupe si particulier d’individus réunis pour apprendre avec un enseignant, qu’ une classe donc, « marche » ou non, « avance » ou pas , que tous y trouvent leur compte ou que certains y soient comme exilés et parfois révoltés, qu’on y rit ou qu’on y crie , qu’on y apprenne peu ou beaucoup, et enfin qu’on y soit heureux …ou pas !
2 commentaires:
Amuusant Françoise ce passage du rôle de prof au rôle d'élève! Et sympathique je crois... mais je pense que tu auras toujours tendance à être indulgente avec le prof, tu sais ce que représente ce travail!
Ton petit exposé m'a intéressée, forcément, on ne se refait pas, j'ai comparé avec mon parcours! Moi j'ai abandonné le latin en seconde pour ne pas abandonner mon allemand deuxième langue! - chez nous pour «faire» espagnol il fallait prendre des cours particuliers en ville! - j'aimais bien le latin, mais pas le système d'évaluation qui allait avec! Je passais un samedi entier à faire une version latine - sans intérêt car il s'agissait toujours de guerres ou de politique dont je n'avais rien à faire à 12 ou 13 ans!! - tout ça pour avoir un 2/20 ,sous prétexte qu'à tel endroit il y avait un contre-sens qui coûtait 8 points!!! Toute peine méritant un salaire adapté, je me suis vite lassée de ces taches rouges sur mes carnets de notes! Et puis moi j'aimais bien m'exprimer oralement, et cela facilite beaucoup plus l'apprentissage des langues vivantes que des langues mortes!
Par la suite j'ai appris des bases d'italien dans la famille de mon mari; là rien qu'en parlant on parvient très vite à s'exprimer et à comprendre, à condition de ne pas être bloqué par la peur de faire des fautes! Il me manque quelques leçons de grammaire pour améliorer les conjugaisons mais bon... ce que je sais me suffit, si je restais 6 mois là-bas je pense que je parlerais couramment sans leçon! Mon mari lui a décidé de «s'y mettre» l'an dernier, et suit des cours... où il n'y a que des femmes! autant dire qu'il trouve ça très sympa (c'est drôle, quand tu décris ton groupe je crois l'entendre commenter le sien!) Son élève préférée est une prof en retraite, un peu baba cool, qui avec son mari s'est lancé dans la fabrication de chocolats!! Cela dit il a beaucoup progressé car maintenant il écrit en italien à ses cousins-cousines!
Et l'espagnol? Lui avait pris quelques cours pour son boulot, j'en avais profité pour lui piquer son Assimil; je ne suis pas allée très loin, mais c'est une langue dont j'adore la musicalité! je suis fan d'Almodovar, de musique latino-américaine, et j'adore lire des poèmes en espagnol.. même quand je ne comprends pas le sens! il y a un rythme vraiment musical.
DONC... j'avais décidé quelques années avant ma retraite que la première activité que je choisirais c'est un cours d'espagnol (la deuxième étant d'essayer de reprendre le piano, rêve d'enfant auquel je ne me suis essayée qu'à 33 ans, sans grand succès pour des raisons pas toutes liées à moi!). Eh bien cela va faire 4 ans que je suis en retraite..et je n'ai pas franchi le pas! Il faut dire aussi que l'un de mes buts était de pouvoir visiter, outre l'Espagne, les pays d'Amérique du Sud qui sont hispanophones (je ne suis allée qu'au Brésil, mais là c'est portugais!). J'ai depuis je crois renoncé à l'idée de grands voyages, en dehors des Etats-Unis et du Canada. Alors il manque sans doute la motivation!
J'espère que tu n'abandonneras pas, Françoise, et que tu continueras à mêler plaisir de parler et plaisir de partager! Moi, je vais peut-être ressortir les cassettes Assimil...
Bisous
Amusant , toutes ces rencontres!
le latin ..."Peste soit de la femme" (comme dit Molière) qui corrigeait tes versions!!!Là encore les puristes abondent.je suis souvent entrée en conflit avec "les Gens de Lettres Classiques", les accusant de scier la branche sur laquelle ils étaient assis, (mais pardonne-moi la trivialté,assis "cul serré"!!!!) en tout cas de ne pas savoir faire aimer la langue!
Oui, l'Espagnol sonne bien, j'en aime la sonorité j'y ai moins de complexes à le prononcer qu'avec l'anglais que j'ai toujours eu peur d'être ridicule à prononcer! Il faut dire que là aussi les profs ne m'ont pas beaucoup aidée!!!
Je ne sais quel progrès je réussirai à faire, mais j'y prends un plaisir de découverte et de curiosité incontestable. Les V.O d'Almodovar ne me permettent pour l'instant qu'un plaisir musical, j'ai peine à comprendre de vrais fragments Quant à l'italien dont mon prof de latin disait, c'est facile c'est du latin!!!je trouve bien beau et bien difficile. J'ai beaucoup aimé Habemus Papam!
J'ai aussi racheté un piano électronique il y a deux ans .J'ai la flemmme de prendre des leçons , je me contente d'essayer de petits morceaux.Mon grand plaisir est d'entendre , à force, les notes avec leur nom...!!!!!Comme quoi , il n'y a pas de petit plaisir en musique!!!!
Bisous ...
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