vendredi 22 janvier 2010

J'attendrai ton RETOUR....




La morale du « retour », en pédagogie et ailleurs


Quand j’étais formateur, disons professeur de langue française ou de littérature,
Laurence Lentin, pédagogue du langage en maternelle emprunta à la théorie de la communication comme principe d’action, la notion de Feed Back…
Toujours nous essayâmes de traduire l’expression, toujours la traduction nous a paru incomplète.
Il s’agit bien sûr de la réponse donnée par le récepteur à l’émetteur, mais cette réponse peut consister simplement en un retour sur la réception du message, « Oui, j’ai entendu, tu veux dire que…»
Un avis de réception en somme, comme dit votre messagerie : « Cela ne veut pas dire que votre récepteur a compris le message »
Mais plus encore une prise en compte de ce qui est dit : « Vous voulez dire que… ?»
Et enfin une prise de position concernant le contenu, un jugement, intellectuel :« Cela me parait juste », moral : « On ne peut pas dire ça »,esthétique :« Voilà qui est bien dit »….

Ce feed back m’a toujours paru, dans sa simplicité, apporter beaucoup à la pédagogie du langage en ce sens qu’il s’interdisait d’être une correction (ni pure ni simple) de la forme, puisqu’il manifestait avant toute chose si le message passait, ou ne passait pas, ou passait mal, auquel cas on pouvait alors aider en proposant une autre forme plus compréhensible ,
-Oui le chien s’est échappé … !
-Non maîcresse ! j’a pas dit ça !!!

-Il s’est blessé, fait mal
-Oui…
Etc…
Le langage était en construction vivante dans le dialogue, non sous la forme je donne un modèle que tu empruntes, enfant, répète répète…, mais sous la forme tâtonnante qui construit de la pensée en même temps que de la langue…

J’ai souvent pensé dans mes autres expériences d’enseignement de la langue et de la littérature que ce geste d’enseignement était un des plus honnêtes, efficaces, et fondamentaux qu’on puisse pratiquer: toujours faire retour , à une remarque, à une opinion, à une interprétation, mais aussi plus scolairement ,
A une construction grammaticale…
Ou à une dissertation…ne pas « oublier de rendre les copies ,» ou les rendre avec une note ou une appréciation « sèches » qui ne constitue en aucun cas un « retour ».
Ne pas écouter les sirènes qui vous chantent que d’ailleurs les élèves s’en moquent, qu’il n’y a que la note qui les intéresse. Qui peut se laisser prendre à cette désinvolture affichée, à cette feinte indifférence des enfants ou des ados, qui ne vaut que si le retour est mécanique et sans signification.
Dans les apprentissages tout se passe entre deux personnes ou plusieurs, en allers et « retours » de l’expression de la pensée et parfois de l’émotion…Le retour est toujours nécessaire à l’apprenti, et toujours attendu…je le crois…



Et je pense aujourd’hui qu’écouter et « faire retour » de ce qu’on entend, lit, ou comprend relève de la morale essentielle de la vie avec les autres
Ce n’est pas sans fatigue ni lassitude parfois, la disponibilité est un peu fatigante, elle oblige à construire une position d’ « empathie » laquelle peut être parfois délicieuse, parfois douloureuse, en tout cas pas forcément immédiate ni spontanée. Cette attitude instaure même si on prend l’autre en compte, le doute rongeur sur notre propre position ; si l’on se décentre on y perd de ses certitudes et de son assurance, de sa « personnalité » tel que le show monde les aime parfois…

Mais nul doute qu’elle vaut la peine …pour le retour qu’elle obtient à son tour…..parfois !!!

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