Souvent quand je réfléchis à mes expériences esthétiques ,
la lecture des textes, la rencontre de peintures ou de photos, et plus particulièrement encore
l’écoute de la musique, je trouve particulièrement pertinente une catégorie que
Michel utilise souvent, empruntée à Roland Barthes, je crois : le « studium
et le punctum»…
Traduisons en toute
simplicité : l’un le désir de
savoir et le plaisir qui en découle , l’autre l’émotion qui nous
« point », émotionnelle ou esthétique …
Souvent en fait on pourrait trier
les œuvres qu’on rencontre selon l’un ou l’autre effet ressenti…
C’est ainsi pour moi pour les textes , surtout quand mon métier
m’amenait à lire et « étudier » des Œuvres dites « littéraires »
. Déjà j’éprouvai, puis finis par avouer , puis réussis à assumer, que le plaisir du texte
n’était pas forcément lié à des œuvres réputées Grandes , et que beaucoup de
récits dont la banalité d’écriture m’était évidente me procuraient émotions
fortes et durables . Que d’ailleurs réciproquement des Œuvres lues pour les connaître, par
curiosité ou nécessité intellectuelles, me donnèrent parfois des émotions
prégnantes, qu’elle soient sentimentales ou esthétiques .
Ainsi du Bonheur des Dames, de
L’écume des jours, de La Peste ,
de bien des poèmes, de Valéry ou d’Eluard ou de Desnos, de Vian…etc …etc….
En écoutant jeudi soir le trio
Bruno Maurice, Jacques di Donato, André Minvielle, j’ai pensé que la
précieuse alchimie, émotion ET plaisir
intellectuel, était réalisée …
Plaisir intellectuel de nous
aventurer dans des créations de Cavanna dont on a la surprise de découvrir
que la Gigue de
la duchesse préfacée par la superbe voix de Minvielle sur des paroles de
Gherasim Luca peut nous toucher, de même que les « séquenzes » de Bério peuvent nous séduire . Plaisir d’entendre se réaliser l’exigence d’ une grande
virtuosité, précise , et réussie...plaisir
des surprises d’une interprétation partagée qui se déclare pleine d’irrévérence
et mêle(puis-je dire métisse ?) subtilement les trois partitions . .
Plaisir de redécouvrir, connus
mais nouveaux, le son du appassionata de Bruno et de la clarinette de
Jacques « Di Do » démontée et remontée, d’être entraînés à la découverte des « possibles »
de leurs instruments, inaccoutumés , mais beaux et saisissants.
De découvrir un Minvielle à la fois
familier , amour fou des mots et chaleur
méridionale dans la couleur de la voix ,
percus inspirées, et un peu différent par le travail de sa superbe voix
qui s’affranchit parfois des mots, à l’instar d’un jeu instrumental… scat rap
slam, vocalchiminvielle ! pour donner rythme, chaleur et profondeur de champ,
aux voix de l’accordéon et de la clarinette …
Et de nous interroger une fois de plus sur ce que signifie « interpréter » ou « improviser » tant il parait évident que la musique jouée- là comporte une grande part d’ écriture, et pas des plus faciles, mais que les trois trouvères, l’absorbent, la recréent , la débordent, tout en en respectant l’essence …
Plaisir intellectuel de ces
découvertes, surprises esthétiques et humour de l’ irrévérence… qui se conjuguent avec des émotions qui touchent …
Quelle émotion ce Piazzolla, qu’on
pressent rapidement, et reconnaît après une introduction subtile, à ce rythme et ces
phrases inimitables qui saisissent et bouleversent.
Ô la voix de Minvielle sur ce Maria de Buenos Aires !
Emotion…
…De Nuage …montée des nappes
sonores et « chorus »
déchirant de Bruno !
…De la légèreté harmonieuse du
pétillant de Saumur…
…De la mélodie de la valse à Hum… comme elle chante avec
nostalgie et danse avec folie !
Combien la duchesse de Cavanna se
trouve ravigotée par la
« morphologie de la métamorphose » que dé-cla-me André Minvielle de
manière si prenante, et par « le flux fluet de la flûte », non !
de la clarinette subtile de Jacques Di Donato, mêlée à l’accordéon…
Comme Minvielle nous émeut par
ses quelques mots qui saluent Tuveri, camarade d’accordéon , aujourd’hui en Paradis
(des musiciens !)
Et pour la valse Dombelle, si la
pudeur de l’amitié ne cite que son nom, nous ressentons avec admiration et une
profonde émotion , la beauté simple et enchanteresse
des mélodies de Marc Perrone, qui sait en faire tant et tant de si merveilleuses
« petites chansons » !
Et puis …c’est fini !
On revient le lendemain !
Et …
C’est encore fini !!!
Alors, Bruno Dido Dédé…s’il vous
plaît, un petit enregistrement pour renouveler un moment le Studium et le
Punctum !!!
Et pour en faire profiter les
copains de Facebook !
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