dimanche 27 mai 2018

Mérotte et la mer



Ma mère n’aimait pas les bains de mer…ni se mettre en maillot, ni la plage , ni le sable qui colle aux pieds , ni s’asseoir par terre qui est si malcommode …


Sans doute aimait-elle la Mer pour son spectacle, pour les connotations poétiques qui lui sont attachées et  qui chantaient en Elle par toutes les « poésies » qu’elle avait apprises au cours de sa propre scolarité, et celles qu’elle sut choisir pour ses élèves  à qui elle tâchait de faire aimer la musique de notre langue. Elle gardait en mémoire nombre de ces poèmes et aimait à les réciter, parfois à les chanter, de sa voix qu’elle avait belle et juste…

Pourtant elle consentait à nous accompagner au bord de la mer, à Hossegor certains après-midis d’été : mon père sortait son auto, car lui aimait la mer,et lui aimait conduire…
De ces après-midis de plage je garde un souvenir à la fois tendre  et amusé, car il est vrai que c’était un moment désiré, agréable et délicieux, mais aussi chargé de frustrations : trop tard, on partait trop tard, il fallait attendre que la digestion fût terminée pour se mettre à l’eau ; et l’on rentrait trop tôt pour  dîner à l’heure ! seule compensation : quand ils eurent un peu plus d’aisance financière, on s’arrêtait avant de partir d’Hossegor manger des huitres chez Lamouliate, délice qui a forgé mon goût irrémédiable pour cette chair résistante, froide,  humide, et salée .
Ce goût- là nous le partagions ma mère et moi, mon père et ma sœur ne faisaient que nous accompagner du bout des lèvres !
Sans doute ce mélange de bonheur et de frustration a-t-il produit mon attachement profond à la mer. Sa simple présence vient parfois à  me manquer les mois d’hiver. Et  je la  recherche, maintenant que nous allons presque tout l’été au bord de la mer, à maintes reprises de la journée : Tous, je les fais sourire :«Je vais voir la mer » « Je n’ai pas encore vu la mer ! » « Il faut que j’aille voir la mer » « Je vais voir le coucher du soleil »
(Rite païen dont je constate que je  le partage avec bien des gens assez différents qui se rassemble sur la jetée  le soir …)
Amour que j’ai transmis à ma fille, je crois,  et elle à ses filles. Et souvent je dis donc aussi : « Qui vient voir la mer avec moi… ? »Et j’ai le plaisir d’être accompagnée pour ce rituel incontournable ».
 C’est ainsi qu’un jour,  Camille m’a dit : 
« Pourquoi as-tu/ a-t-on besoin d’aller voir la mer ? »
-Parce que le poète a dit : «  La mer, la vaste mer, console nos labeurs »
(et d’expliquer le sens de labeurs ici, et d’en rire, et de presser la petite main dans la mienne..
Petite main est devenue grande…Mais demeure notre passion magique !

Et pourtant si ma Mérotte n’aimait pas la mer , c’est en grande partie à elle que je dois, que nous devons, cette modeste maison qu’ils firent construire à Hossegor,  à sa patience, à son insistance, à son talent à choisir avec discernement les emplacements propices ..
Elle consentit à le faire , elle y contribua activement, certes, pour ne pas « gaspiller » le modeste pécule que rapporta à mon père et à son frère la vente de la maison paternelle, pour en tirer un petit revenu pour leurs voyages à deux , parce qu’elle avait l’intuition que mon père aussi aimait la mer, mais je le crois profondément, en même temps pour nous offrir  un accès à ce plaisir qu’elle ne put jamais vraiment partager,  mais dont elle devinait la profondeur… 

Et jouir avec amour et par procuration de notre passion…

Merci ma Mérotte …
Tu sais notre petite maison est devenue un peu plus grande aussi…le nombre des aficionados ayant  augmenté !
Merci…

2 commentaires:

sister for ever a dit…

Un bien bel hommage à ta maman, Françoise...et à la mer!

françou a dit…

Merci Francine ...Oui oui c"est vrai...Bises