Nous sommes allés samedi 9 mars, jour de fête pour les Françoise,
écouter A Minvielle et sa Vocalchimie…
De ce spectacle follement
poétique, je ne dirais que le plaisir de
se laisser entraîner au bonheur des mots
et au jeu de sa voix.
Car Michel a si bien évoqué ce moment que je vous invite plutôt à lire
son texte
Nous avions déjà commencé à
connaître A Minvielle depuis quelques temps, grâce à notre fil
d’Ariane favori, l’accordéon, celui de Marc Perrone d’abord, puis celui
de Lionel Suarez, puis récemment
l’appassionata de Bruno Maurice et la clarinette de Jacques di Donato
Et nous avions alors apprécié son
amour fou des mots et son talent jazzy, qu’il fasse swinguer la musique de Gus et
de Tony, ou bien la sienne, sur des onomatopées et paroles de sa facture, ou qu’il « scat » Beth ceu de Pau ou autres trouvailles persos sur des
standards connus ou des mélodies de son cru……
Bref nous étions séduits par son
Alchimie.
Mais le spectacle abcd’erre nous a révélé un
aspect de sa philosophie « linguistique » qui m’a touchée, avec
laquelle je me suis sentie en totale empathie. D’abord je n’ai plus à souligner
mon penchant pour les divagations, en particulier concernant le langage , la
musique et l’art…
Par ailleurs j’imaginais , non
sans quelque réticence , qu’il était peut-être un de ces occitannistes militants
et intransigeants…( ?Quoiqu’ un ami de Marc Perrone ,de Lubat, de
Nougaro… ????) que j’ai parfois rencontrés
dans mon travail et ma région…
Et nous l’avons découvert
amoureux de la langue, occitane certes
mais pas exclusivement, de la langue dans tous ses états , comme on la vit,
comme on la pratique , comme on la savoure,
sans purisme ou excommunication…
Suivez l’accent exprime avec talent, avec poésie, avec
drôlerie, ce que j’ai toujours modestement
pensé..
L’accent
… !
Moi aussi j’en ai vécu des histoires
d’accent…
J’étais une jeune stagiaire professeur
de lettres, dans la classe d’un
« tuteur confirmé » (= moins jeune ), charmant , chaleureux,
paternel…
La classe… des cinquièmes, je
crois…j’aimais déjà ce travail …nous nous régalions de Villon et de Rabelais …
Premier couac !
- LUI : Rabelais , on ne dit
pas Ra- be –lés quand on est professeur de littérature , on dit Rab’lès
- MOI : non ! (je le
prends avec le sourire), « rablé » c’est pas ça pour
moi !!! c’est pour les lapins … !
- LUI (sans humour) il faut vous
débarrasser de votre accent ! Vous imaginez, en dictée !!!
-MOI (in petto) mais la dictée,
c’est pas l’essentiel en cours de français …et puis moi, je l’aime, mon
accent…c’est ma manière de parler le français…Chez moi on « flambe »
les porte, on laisse « cramer » la sauce …etc…
-LUI : (fièrement) moi j’étais de Morcenx
…et vous voyez bien, j’ai réussi à m’en débarrasser de l’accent !
Entre nous, ce ne fut plus jamais
comme avant, je me mis même à m’avouer, ce que je ne m’étais jamais avoué à ce jour, que ses cours de français
n’étaient pas bien excitants !…
Je dois reconnaître que jamais par ailleurs il
ne s‘est trouvé personne dans la hiérarchie, inspecteurs ou autres gradés, pour
me le reprocher, cet accent …
Plus tard professeur de français
à l’Ecole normale, passionnée d’apprentissage de la lecture, j’eus à affronter
la méthode Au fil des mots, bible préconisée dans les écoles, la leçon sur le [e]…les graphies de [é] et de [è] !!!
et le « ain » qu’on prononce paraît-il comme « um » ,mais
qu’on n’écrit pas pareil…. !
Adorables enfants qui récitaient du "lait" ouvert, du
conditionnel (aimerais) ouvert ! et
du futur (aimerai) fermé… ! et « un »(un) « pum » (pain)…
Heureusement ils n’y arrivaient pas,
de toutes manières, ça ne les renseignaient pas beaucoup sur la graphie, mais ils reconnaissaient et comprenaient les mots
et c’était l’essentiel ! certains aimaient même à se souvenir des graphies
particulières des mots, leur physionomie
en somme !!!
Et j’ai eu aussi des collègues de
collège, deux en particulier, qui ont fait depuis de grandes carrières dans
l’université et la politique!
Le premier, un émule de
Démosthène, qui préconisait avant tout autre
enseignement, de débarrasser nos élèves de leur accent…Notre accent !
Et l’autre à l’opposé, qui me
trouvait « infirme » de ne pas parler l’Occitan !!! J’avais beau
lui dire que je parlais mon français à la guise occitane…cela ne le
convainquait pas !!!
Entre les deux !
Alors, oui, André
Minvielle ! je dis moi aussi : « Suivez l’ACCENT ! »
Oui, je refuse par souci « d’appartenance »
de parler mon français d’une autre couleur que celle qu’a donnée à mon
parler mon enfance avec mon papa
d’Angoulême, ma mère et mon grand père des Landes de Chalosse , ma grand mère Souletine, langues Oil et Oc mêlées, et un chouya de
basque en plus , mes copains de Dax, nos
années à Bordeaux, notre petite excursion à Marrakech, le retour à Pau…je
sais bien que Bourdieu, un gars de chez nous, en a bavé pour mériter d’être
promu au statut d’ Universitaire sans Accent mais moi par chance j’ai pas
l’étoffe, je ne serai pas professeur émérite !!!
Oui, j’adore quand André M.
proclame « Nul n’est censé ignorer la Loire ! »
Je déclare mon amour des langues romanes, leurs mots,
leur musique et leurs parentés... J’avoue avoir aimé le latin énormément, même
s’il m’a empêchée au lycée d’apprendre aussi l’espagnol, dont l’écho traverse
nos vallées et m’attire tellement que j’en essaie un apprentissage tardif…
Mais je refuse aussi de
m’inscrire au conservatoire militant et
puriste du trad, qu’il soit
linguistique ou musical… !
Car je suis aussi fille d’une
petite instit suppléante qui courut les postes déshérités de la campagne
bordelaise et croyait au pouvoir
unificateur de la langue française, qu’elle tâchait d’enseigner et de faire
aimer à ses « certificats d’étude »
et qui adorait réciter souvent (trop souvent pour ses filles moqueuses !)
du la Fontaine , du Boileau, du
Corneille, du Francis Jammes , du Alphonse Daudet, à pleines tirades …. qu’elle n’hésitait pas à faire
alterner avec les Sombreros et les Mantilles
de Rina Ketty et la
Complainte de la
Butte de Van
Parys !
Je suis la fille d’un petit
garçon qui apprit à lire avec le Tour de
France par deux enfants et qui me fit partager les délices de Madame Thérèse…
Alors merci André Minvielle de
nous dire : Suivez les accents, leur variation, leurs couleurs, leurs
saveurs …
Et je dirai : « suivons
notre langue dans tous ses
accents.. »
!!! Tiens ! finalement, on y revient à l’accordéon, ses divagations, ses voies royales et ses chemins de
traverse, et le plaisir de ses variations… !!!!
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