mardi 7 août 2012

Mes amis des books aiment les bains de mer




Paul Valéry ( Le cimetière marin )
Une fraîcheur, de la mer exhalée,
Me rend mon âme . . O puissance salée! 
Courons à l'onde en rejaillir vivant.

Oui! grande mer de délires douée,
Peau de panthère et chlamyde trouée, 
De mille et mille idoles du soleil, 
Hydre absolue, ivre de ta chair bleue, 
Qui te remords l'étincelante queue 
Dans un tumulte au silence pareil …


Albert Camus (La Peste)
Savez-vous ce que nous devrions faire pour l’amitié ?
-Ce que vous voulez, dit Rieux.
-Prendre un bain de mer. Même pour un futur saint, c’est un plaisir digne. »
Rieux souriait .
« Avec nos laissez-passer, nous pouvons aller sur la jetée. A la fin, c’est trop bête de ne vivre que dans la peste. Bien entendu, un homme doit se battre pour les victimes. Mais s’il cesse de rien aimer par ailleurs, à quoi sert qu’il se batte ?
-Oui dit Rieux , allons-y. »
Un moment après, l’auto s’arrêtait près des grilles du port. La lune s’était levée. Un ciel laiteux projetait partout des ombres pales [….] ils prirent la direction de la jetée. Peu avant d’y arriver, l’odeur de l’iode et des algues leur annonça la mer. Puis, ils l’entendirent.
Elle sifflait doucement au pied des grands blocs de la jetée et, comme ils les gravissaient, elle leur apparut, épaisse comme du velours, souple et lisse comme une bête. Ils s'installèrent sur les rochers tournés vers le large. Les eaux se gonflaient et redescendaient lentement. Cette respiration calme de la mer faisait naître et disparaître des reflets huileux à la surface des eaux. Devant eux, la nuit était sans limites. Rieux, qui sentait sous ses doigts le visage grêlé des rochers, était plein d'un étrange bonheur. Tourné vers Tarrou, il devina, sur le visage calme et grave de son ami, ce même bonheur qui n'oubliait rien, pas même l'assassinat.

    Ils se déshabillèrent. Rieux plongea le premier. Froides d'abord, les eaux lui parurent tièdes quand il remonta. Au bout de quelques brasses, il savait que la mer, ce soir-là, était tiède, de la tiédeur des mers d'automne qui reprennent à la terre la chaleur emmagasinée pendant de longs mois. Il nageait régulièrement. Le battement des ses pieds laissait derrière lui un bouillonnement d'écume, l'eau fuyait le long de ses bras pour se collet à ses jambes. Un lourd clapotement lui apprit que Tarrou avait plongé. Rieux se mit sur le dos et se tint immobile, face au ciel renversé, plein de lune et d'étoiles. Il respira longuement. Puis il perçut de plus en plus distinctement un bruit d'eau battue, étrangement clair dans le silence et la solitude de la nuit. tarrou se rapprochait, on entendit bientôt sa respiration. Rieux se retourna, se mit au niveau de son ami, et nagea dans le même rythme. Tarrou avançait avec plus de puissance que lui et il dut précipiter son allure. Pendant quelques minutes, ils avancèrent avec la même cadence et la même vigueur, solitaires, loin du monde, libérés enfin de la ville et de la peste. Rieux s'arrêta le premier et ils revinrent lentement, sauf à un moment où ils entrèrent dans un courant glacé. Sans rien dire, ils précipitèrent tous deux leur mouvement, fouettés par cette surprise de la mer.
    Habillés de nouveau, ils repartirent sans avoir prononcé un mot. Mais ils avaient le même coeur et le souvenir de cette nuit leur était doux. Quand ils aperçurent de loin la sentinelle de la peste, Rieux savait que Tarrou se disait, comme lui, que la maladie venait de les oublier, que cela était bien, et qu'il fallait maintenant recommencer.


L’autre jour au soir d’une rude journée : difficiles papiers à remplir pour régler la succession de mon beau père, visites multiples et vaines à ma belle-mère dont l’état physique est préoccupant mais encore moins angoissant que sa confusion mentale alliée à une animosité généralisée envers tous  ses proches... avec une sorte d’énergie désespérée nous nous arrachons à ce terrible contexte, pour nous précipiter à Hossegor où nous attendent les enfants et …la mer.
C’était  la marée haute , l’eau avait  tiédi depuis notre départ, j'ai couru me baigner et, en nageant, tout à coup, le souvenir de ces textes me sont  revenus…
Jai fouillé dans mes livres de poche, et pour retrouver le passage de La Peste j’ai emporté le livre ce soir sur la plage .Il faisait doux et délicieux, la plage se vidait petit à petit et dans le bruit régulier et complexe de la mer, je me suis laissée entraîner une fois de plus par cette prose précise et sensuelle qui nous  parle de nous... …


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