Récemment le juge des affaires familiales a statué sur la demande de mise en tutelle de mon beau-père.
Et nous avons reçu la notification, et lu, glacés, les termes des mesures arrêtées…
Bien sûr nous l’avions demandé, bien sûr sans doute était-ce inéluctable, mais l’écriture est bien ce qu’un vain peuple et nous en pensons, une trace symbolique puissante, et voir écrite l’expression de cette dépossession d’identité nous fut un grand choc.
Certes déjà, voir l’homme qu’il est devenu, l’entreprenant, bravache, et souriant macho, fier de sa précision comptable et de son sens des affaires est déjà terrible ….
Mais l’énoncé juridiquement précis de ses non droits nous serra le cœur ...
Mais plus bizarrement encore ce qui accrocha mon esprit et mon émotion fut la suppression de son droit de vote.
En prenant les choses à la légère, nous aurions pu nous dire que c’est tant mieux, tant fut grande de tous temps notre mésentente concernant nos convictions politiques et sociales, si grande qu’elle ne trouva jamais à s’exprimer…
Mais j’ai pris conscience à cette occasion que le droit de vote est pour moi n’est jamais quelque chose que je puisse prendre à la légère.
Ce n’est pas que je sois hélas (?) une très grande militante politique…
Ce n’est pas non plus l’empreinte profonde des engagements politiques militants de mes deux grands pères, l’un « dégradé » pour avoir fait grève en 36, l’autre frappé d’AVC brutal au moment de Vichy.
J’ai plutôt hérité du tempérament « conciliateur» de mon père et du réformisme militant et passionné de ma mère.
Non ! je crois que la marque profonde, parce qu’elle est affective et touche à la conception de la personne humaine, plus qu’à la seule politique, c’est la remarque réitérée de ma mère , à chaque élection
"Quand je pense disait-elle que j’ai passé tant d’années de ma vie sans pouvoir voter, quand je voyais les hommes y aller ça me rendait enragée…"
Et pour une fois elles se trouvaient totalement d’accord ma grand mère et elle !!!
En relisant à cette occasion quelques articles sur l’histoire du vote des femmes, je vois qu’il fut effectivement parfois écarté par des partis dits de gauche pour se prévenir des influences néfastes que les femmes dans leur ignorance ( native ???) auraient pu subir , éternelles mineures, entravant ainsi la Marche du char du Progrès !!!
Une mesure de protection en somme ….une mesure « tutélaire », oui ! Mais pour qui ?
En ces temps incertains où se débat ce droit, ne pourrait-on pas être tenté de pendre de si salutaires mesures de bien public et de protéger (ou de se protéger) de votants virtuellement dangereux…. ?
En ces temps incertains où se débat ce droit, où certains le réclament, où d’autres militent pour son exercice, où d’autres refusent de l’exercer….
Parfois s’effrite mon optimisme désespéré, parfois je vacille, je suis « comme une truie qui doute »* le doute destructeur s’infiltre sur les légitimités des uns ou des autres à bénéficier de nos suffrages, leur capacité à assurer quelque chose d’un peu mieux, à la responsabilité qu’il y a à voter pour eux….
Je ne sais pas si je l’exercerai à bon droit ce droit…
MAIS, ce dont je ne doute pas, c’est que je ne veux pas en être protégée, je veux dire exclue !!!!!
* citation empruntée à Claude DUNETON
1 commentaire:
Oui, je crois que c'est une mesure terrible... mais malheureusement elle est logique, dans le contexte! Pour mon père et mon beau-père, nous avons pu éviter cette mise sous tutelle, car ils leur restait une épouse pour prendre soin d'eux et la question ne se posait pas vraiment...
Mais quand elle se pose il faut bien prendre cette décision... ne serait-ce que pour éviter à des malfaisants qui n'attendent que ça d'abuser des personnes qui ont perdu leurs capacités - ce fut le cas pour mon beau-père!
Alors on pourrait «oublier» le droit de vote, par humanité? mais on sait bien que certains n'hésitent pas à faire voter les morts...
Bon courage à toi et à ton mari.
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