mercredi 22 septembre 2010

La Bruyère ou Du Cynisme Social

Michel m’a raconté pour l’avoir vu à C’est à vous (sur la 5) un petit clip ironique : Bernadette Chirac au salon des Antiquaires, harcelée par des journalistes : « On s’est cotisés, on a 70 euros, on peut avoir quoi ??? » répond excédée : « Quand on n’a pas les moyens on n’a rien à faire ici… »

Cette réponse m’est apparue comme l’expression même du cynisme d’un grand nombre de ceux qui nous gouvernent et qui ont les moyens, de leurs amis de la finance, de leurs amis du monde du spectacle ou du sport qui s’exilent des impôts, leur réponse à tous les autres, depuis ceux qui doivent de plus en plus compter, à ceux qui n’ont plus rien à compter….

Je le sais bien, ce n’est pas neuf !
La littérature regorge de personnages qui se gobergent pendant que d’autres souffrent de la faim, les bourgeois de Germinal engloutissent dans la clandestinité et les plaisanteries des huîtres venues à grands frais d’Ostende, pendant la grève et les émeutes de la faim. Ils se cachent non parce qu’ils ont honte mais parce qu’ils ont peur !!!
Les pécheurs de Balbec de Proust regardent la bonne société qui dîne à hôtel de l’autre côté de la baie vitrée. « Celle-ci devenait comme un immense et merveilleux aquarium devant la paroi de verre duquel la population ouvrière de Balbec, les pêcheurs et aussi les familles de petits bourgeois, invisibles dans l'ombre, s'écrasaient au vitrage pour apercevoir, lentement balancée dans les remous d'or, la vie luxueuse de ces gens, aussi extraordinaire pour les pauvres que celle de poissons et de mollusques étranges »

Mais c’est un texte de La Bruyère que je choisis ici, pour l’impression forte qu’il fit à la collégienne que j’étais, un de ces textes sombres et sobres de ce bourgeois que l’on décrit « vivant tranquille avec des amis et des livres, toujours disposé à une joie modeste, et ingénieux à la faire naître, poli dans ses manières et sage dans ses discours, craignant toute sorte d’ambition, même celle de montrer de l’esprit… »
« Il y a des misères sur la terre qui saisissent le cœur. Il manque à quelques-uns jusqu’aux aliments : ils redoutent l’hiver, ils appréhendent de vivre. L’on mange ailleurs des fruits précoces, l’on force la terre et les saisons pour fournir à sa délicatesse ; de simples bourgeois, seulement à cause qu’ils étaient riches, ont eu l’audace d’avaler en un seul morceau la nourriture de cent familles…Tienne qui voudra contre de si grandes extrémités ; je ne veux être, si je le puis, ni malheureux ni heureux ; je me jette et me réfugie dans la médiocrité. »
Je ne sais ce qui me trouble le plus du constat brutal du scandale de l’inégalité sociale, ou de la conclusion qu’il en tire, se réfugier dans un sort « moyen », s’il le peut…

Non bien sûr, l’inégalité sociale ce n’est pas nouveau …

Mais bête que je suis, étudiante des années 68, années du plein emploi et de la croissance économique, années familières de la pensée de Marx, j’ai cru au Progrès Social

N’était-ce qu’illusion ?


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