mercredi 9 juin 2010

Le lecteur dans son bouquin....

(Traduction libre de Lector in fabula)

Il y a actuellement beaucoup de belles « lectures » de beaux textes par des lecteurs prestigieux, Jean louis Trintignant, lisant « les lettres à Lou ») en duo avec l’accordéon de Daniel Mille , Marie Christine Barrault ,tissant des textes de Proust, Chopin et George Sand avec l’accordéon de Pascal Contet, improvisations de P.C et mazurkas de F. C…ICI



J’aime bien cette valorisation des textes par la lecture à voix haute, comme jadis j’aimais les lectures de mon père, grand amateur de diction de textes, comme j’aime les lectures que nous faisons le soir aux « filles », comme j’appréciais l’éloge de la lecture d’histoires de Daniel Pennac , (Comme un roman….)

Une fois de plus, cela me ramène à mes questionnements familiers, en particulier à la manière d’être lecteur…


Et je me dis que, pour moi du moins, quelque plaisir que comporte la diction d’un texte pour en communiquer, l’essence du plaisir de lire est le rapport individuel , intime , familier et silencieux, que je noue avec mon texte. Je n’y supporte pas d’intrusion, qu’on lise par-dessus mon épaule, qu’on m’interrompe, qu’on anticipe où ralentisse mon chemin personnel dans le texte…l’espace que découpe la lumière de la lampe, la page, et mes yeux –lunettes, est comme le lieu du plaisir, le « templum 1 » où l’histoire se lit …



Je pense qu’il y une sorte de pacte entre le lecteur et le livre. C’est moins la « qualité » du texte qui est en jeu , que le parcours où l’auteur nous convie.

                                                                                                                Odilon Redon, musée des Beaux Arts, Bordeaux


Deux petits épisodes :                                                             
Ma Charlotte et Le Jobard

Il y a quelques temps Nadja m’a téléphoné, embarrassée ,pour me demander quel livre acheter, vite fait bien fait, pour Charlotte…Parcourant vite fait bien fait mon étagère de littérature de jeunesse…je tombais sur le Jobard de Michel Piquemal (Milan poche junior). Je me rappelais bien les données de l’histoire, mais surtout l’expérience que j’en avais eue, une grande réticence au départ, agacement du genre « tranche de vie», méfiance pour les « bons sentiments » …puis ensuite la lecture « embarquée », « ravie » de cette histoire, presque d’une traite, et les discussions avec des collègues et des élèves….

Le lendemain, je prends des nouvelles de ma liseuse:
-Elle a presque fini, elle dévore !!!
Puis plus tard :
-Alors, ma Charlotte, ce Jobard ?
- bof ça finit trop mal…
- vraiment ?
- ben oui ! quand même, il meurt…

J’avais oublié…

Conversation au jardin avec une amie :
-parfois, j’ai peur de m’engager dans l’histoire, de m’attacher, d’espérer… puis d’être trahie…
-moi aussi, je n’aime que les histoires qui finissent bien, ou à la rigueur au dénouement annoncé, heureux ou pas…

A mon sens , c’est l’intérêt des genres très codés, les polars « roses » ou « noirs », on sait ce qu’on doit attendre,...ou le roman rose ou noir , le feuilleton ou les séries télévisés, tellement codés, qu’il y a une certitude conventionnelle dans leur déroulement et leur issue : on est tranquille !!!

Trop peut-être ?

- le contrat est clair au moins, comme dans les films des années 70, où l’issue était toujours sinistre , si bien en accord avec le noir et blanc des images.

Il y a une sorte de contrat implicite qui se noue entre auteur et lecteur…
Lector in fabula…
J’ai toujours considéré pour ma part que le meurtre de Roger Acroyd était une trahison d’Agatha .
Même si sa vision du monde est en fait tragique… mais comme Molière, la plupart du temps, elle rompt la tragédie au dernier moment (sauf dans un certain nombre de ses histoires à vrai dire...où l’emporte le pessimisme)….
-Et la Chèvre de monsieur Seguin, donc…Quel scandale !!!! (rires)



Parfois aussi ce lien, on n’arrive pas non plus à le nouer.
Qui peut aider à le nouer ?Comment?
Ceci est une autre histoire (pédagogique peut-être!)


1: Templum : espace découpé dans le ciel par les prêtres, où se lisaient les présages…


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