lundi 12 novembre 2018

La Grande Guerre : Des histoires de l'Histoire...



Curieusement, la guerre de  1914-18 pour des gens de notre âge, et pour nos parents, et peut être à cause d’eux, a toujours été  présente dans notre culture historique et familiale. Pourtant nos parents avaient subi la  guerre de 1940, et nous mêmes avons vécu l’appréhension de la guerre d’Algérie . Mais la Grande Guerre, c’était celle de 14-18 , et ses images très présentes faisaient partie intégrante de  notre histoire de France telle que nous nous la représentions .
 Nos deux grand pères ,  dont nous imaginions difficilement qu’ils aient pu être de fringants jeunes hommes,  paysans ou étudiants, amoureux, danseurs endiablés ou romantiques lecteurs, furent de ces poilus mobilisés . 
Mon grand père, dernier enfant d’une très modeste métairie, devenu de ce fait   cheminot de fraîche date, déjà trop vieux pour être de la classe 14, n’échappa néanmoins pas à la mobilisation générale , destination Salonique… ! et « Parrain », le grand-père de Michel, petit coiffeur de la rive droite de la Garonne, participa à l’interminable campagne de Verdun…
Tous deux demeurèrent toujours pudiques et discrets et se racontaient peu .
De mon grand père « Lexou », j’ai entendu plutôt ses récits de garde républicain, des souffrances occasionnés par la selle du cheval, de son travail d’ordonnance pour nettoyer les jupes de la colonelle ou pour cirer les bottes du colonel , ou pour faire la soupe, fines pelures de pomme de terre obligées, ce dont il garda toujours un savoir faire domestique , sans doute mi ordonnance/ mi paysan  !!!

Mais nous ne pouvions ignorer les sagas familiales, parfois spectaculaires, que nous racontèrent leurs femmes et nos parents,  pour l’un le long trajet pour le front de Salonique, la « Grippe » qui affecte durablement les oreilles... 
Et pour l’autre l’aventure de Verdun,  vécue de bout en bout , où il fut enseveli par un bombardement lors d’une attaque, et dégagé  in extremis par les camarades grâce à la pointe de sa baïonnette qui affleurait  ,  les gaz redoutés, et parfois respirés, et qui lui laissèrent une atteinte pulmonaire durable, et puis, toute sa vie, l’attente de la légion d’honneur promise , qui n’arrivait jamais, et qui ne lui fut remise que peu de temps avant sa mort….

Pour moi, à ces récits familiaux marquants viennent se joindre des histoires de personnages fictifs ou célèbres, dont romans ou  biographies romancées retracent le vécu dans la «  grande » guerre !
J’aime les récits, je ne peux me déprendre de l’idée que la fiction peut révéler certains aspects fondamentaux de la réalité,  comme d’ailleurs la Poésie peut en « donner à voir » des beautés  voire un sens caché…
Sans doute  ai-je hérité cette conviction de mon père, historien riche de savoirs et de sagacité, et prof, qui toujours prétendait que Victor Hugo et Alexandre Dumas avaient fait plus que lui pour la connaissance de l’histoire par ses élèves et le public en général...
Bref , j’aime  l’Histoire, j aime les histoires, et… les histoires de l’Histoire.
En ces temps de « commémoration » de la Grande guerre, et du centenaire de l’Armistice, j’ ai retrouvé avec un plaisir romanesque des « petits » livres, découverts au hasard de mes furetages dans des librairies,  « Petits » livres n’étant certes pas un terme dépréciatif, mais exprimant au contraire toute l’affection,que je porte à ces œuvres qui sans prétention émeuvent et nous parlent, tout en étant de surcroit  souvent remarquablement bien écrites.
Deux auteurs de moi inconnus…
Deux récits, de deux personnages touchants :







Le premier est le héros d’une série publiée en 2005 que nous avions découverte et partagée avec ma fille Nadja , de Thierry Bourcy, et son héros , « flic et soldat » dans la guerre de14-18, Celestin Louise .









Le deuxième personnage, est le héros du roman  « Les forêts de Ravel » qui a pour auteur Michel Bernard,  n’est donc ni un anonyme, ni un personnage de fiction , c’est un grand personnage, un musicien célèbre , Maurice Ravel .
Tous deux ont pour caractéristique leur obstination à participer à la guerre : Célestin Louise en tant que policier pourrait être cantonné à un service de police sur place à Paris même. Quant à Maurice Ravel, déjà écarté du service militaire par son état de santé, se trouve à nouveau refusé lorsqu’il se porte volontaire pour être enrôlé dans l’armée…  Avec une énergie désespérée, il  refuse de «poursuivre son existence comme avant alors que des millions d’hommes, riches ou humbles, humbles surtout, avaient été mobilisés pour défendre le pays. »
 C'est aussi ce que refuse Célestin Louise …

Le récit du combat de Célestin Louise , c’est vivre la guerre du 22ème de ligne dans la tranchée
Le récit du combat de Ravel , « ostinato », c’est le combat pour se faire incorporer dans les services auxiliaires.
Le récit de chacun de ces combats est mené dans une tension dramatique bien organisée , Célestin Louise reste policier même sur le front et la résolution d’un meurtre, donne à l’intrigue un surplus de tension.
Pour le combat de Ravel ce sont les obstacles rencontrés pour réussir à participer au combat général qui créent le ressort de l’action…

  Personnages complexes qui intéressent par leur choix , peut-être historiquement situé, mais qui nous interroge, nous qui avons tant aimé « Le Déserteur » de Boris Vian, et qui l’aimons toujours !

Le réalisme  des contextes évoqués autour d’eux est remarquable, le  talent d’écriture descriptive et documentaire, et sans aucun doute documenté,  nous « donne à voir »les lieux , les tranchées…
Qui donc êtes vous Thierry Bourcy ?
Le neveu d’un Joachim tué à Verdun en 1915 , un mois après être arrivé au front… ?
Qui êtes-vous Michel Bertrand ? Un natif de Bar-le –Duc ? Une terre que vous connaissez intimement  et où la guerre est incorporée à jamais ?

Je convie à ma commémoration personnelle un troisième auteur pour « Un long dimanche de fiançailles » : Sébastien Japrisot , dont le roman a été remarquablement mis en images et porté au cinéma par Jean -Pierre Jeunet .        Le héros en est une héroïne , Mathilde : son combat , refuser d’accepter que « Manech » son fiancé  soit mort sur le front de la Somme…et   gagner ce combat!
Ce film dont se souvient peut-être   Duponcel  en créant  « Au revoir Là-haut » , est, comme Au revoir là-haut, lourd de représentations des combats de tranchées fictives mais plus vraies que le vrai , remarquables,  auxquelles on ne pourrait  reprocher que leur splendide beauté : « Dieu que la guerre est jolie » !
Bouleversant le roman, bouleversant le film,  par la tendresse qui émane de multiples personnages à la présence évidente,  et plus encore par l’extraordinaire- et enthousiasmant- refus du malheur par l’héroïne !!




Merci à ces trois auteurs pour nous avoir offert dans l’horreur de la guerre ces visages lumineux !





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