« Le voyager me semble un exercice
profitable » Montaigne, Essais
III,2 De la Vanité
Ma mère aimait sa maison de Dax,
elle aimait y rester, elle aimait y régner !
D’autant plus peut-être, que
comme tant d’autres de leur génération, mon père et elle avaient souffert après
la guerre, de ne pas trouver de maison , ni même de logement assez grand pour notre famille pourtant pas très
nombreuse...
Elle avait donc pensé « grand »
lorsqu’ils eurent assez d’ économies pour « faire construire ».
Ils consentirent bien des sacrifices ( pour eux , et pour nous,
ce qu’ils regrettèrent parfois !) pour la bâtir, cette maison.
Mais pour autant qu’elle l’aimât,
elle avait la passion de voyager, attirée sans cesse vers des désirs d’ailleurs
…
Quand nous étions enfants , dans
la Celta 4 de Payou, quand il eut une voiture, nous allions par la France,
visitions les paysages et les monuments. Je n’aimais guère ces voyages où sur
les belles plages crissantes de coquillages, on ne s’arrêtait jamais pour se baigner, et l’on visitait des églises ce qui me terrorisait (ma grand-mère
m’avait conté Oradour avec force détails !)
Moi j’aurais aimé « séjourner »! Je fus comblée par le séjour de 15 jours qu’on fit à Paris chez leur amie , fantaisiste, charmante, et rieuse
quoique la vie ne l’ait guère épargnée…où je pus dévorer châteaux et musées…
Mais dès que nous fûmes assez grandes
pour nous « garder »nous-mêmes, sous la responsabilité de nos grands
parents, ils nous offrirent des séjours , à Nice, pour la convalescence de ma sœur,
à la montagne (pour ma faible santé !), ou même à la maison, ce qui me
comblait (piscine, copains et copines )…
.... et ils s’envolèrent
(littéralement) pour les lointains pays que leurs livres d’histoire et de géographie
leur avaient donnés à rêver…
La Russie, la Hongrie, l’Autriche,
la Thailande ,l’Egypte , l’Angleterre , l’Irlande l’Ecosse…Que sais-je encore !!!!
C’est Mérotte qui « désirait »,
organisait, préparait, documentation ,
bagages, et même la liste du boucher pour ceux qu’elle laissait sur place….Mérotte
qui se débrouillait à merveille dans ces pays avec son anglais scolaire et son « sens
de l’orientation » !!!
Payou consentait , acceptait ,
lisait pour se documenter, partagé entre le désir de voir en vrai les monuments
et les lieux de ses cours d’histoire et de Géographie , et l’angoisse de
partir, de quitter son pays, sa langue ,et même, quoique pour une moindre part… sa maison …
Payou prenait les photos, et
faisait au retour des montages avec musique de fond et un beau récit enregistré
du voyage, bien construit et joliment écrit, qu’il lisait de sa belle voix de lecteur épris de lecture orale…
Mérotte s’y essaya une fois, mais
sa belle voix de chanteuse s’avéra moins « magnétogénique » et
elle renonça désormais …
Dans ces périples en car, avion,
bateau, elle contracta maintes fois angine,néphrite, bronchite et pneumonie , dut être hospitalisée
à Moscou…mais elle revint toujours prête à repartir sans appréhension ,( du
moins à ce qu’elle nous en laissa voir !!!!) et ils repartaient !
En Grèce, l’année de mon bac, je
fus invitée, et j’en garde un souvenir ébloui …je le fus aussi un an plus tard
en Hollande et Belgique (je soupçonne aujourd’hui qu’ils choisirent d’aller
moins loin, parce que nous étions trois ….)Je n’en ai gardé qu’une certaine déception
de ne pas avoir vu les musées de peinture qui pour moi incarnaient la
magie des Pays Bas. J’avais aussi le cœur ailleurs,avouons-le ! j’avais déjà rencontré Michel et le laissai à Bordeaux…!
Quand je pense à elle, à eux
aujourd’hui, je me dis qu’outre le grand bonheur de constuire un fabuleux livre d’images vraies, légendé d’émotions
et de souvenirs, c’était aussi pour elle le bonheur d’échapper au quotidien de
la vie qu’elle gérait si bien, aux cuisines biquotidiennes, aux lessives , aux
comptes…
C’était surtout le bonheur des fugues à deux , des voyages de
noce multiples qui compensaient celui qu’il
n’avaient pas eu les moyens de s’offrir…
Dans les derniers voyages entra
sans doute en compte un sentiment qui se cristallise avec l’âge qui vient, le sentiment
du « tant que c’est possible », le sentiment doux et déchirant du « encore
une fois !»
Bonne fête Mérotte!!! |
Je suis heureuse en pensant à
vous aujourd’hui qu’il y ait eu pour
vous deux tant de « Encore !!! »
Bonne Fête Mérotte
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