Je suis allée il y a quelques jours voir le film de Ken Loach « Looking for Eric »[1],
Que de tendresse pour les deux Eric, que de « parti pris des choses » quand Ken Loach filme les objets et la vie de tous les jours …
J’aime ses cadrages, ses couleurs, ses personnages, le système de contrastes et de parallélismes de leurs rôles, Eric Bishop, ses collègues et le sacré Canto aux sentences à deux balles, pleines d’humanisme…Je l’ai vu en VF (la seule programmée dans ma cité), mais les maximes de Cantona en français consolent de n’avoir que la version française !
J’aime cet espoir qui frôle à chaque instant la tragédie, cet « optimisme désespéré », le dénouement «heureux» à la Molière !!!
Et j’aime ce rapport, vénération, intimité, confiance qu’entretient le personnage Eric avec son demi dieu homonyme …la force qu’il en reçoit.
Et je m’aperçois alors que chaque jour ou presque, je vais sur le site de RG,ou de deux ou trois autres musiciens favoris, je regarde où ils sont, ce qu’ils jouent ce soir,j’écoute leurs interviews, me situe par rapport à ce qu’ils disent de leur conception de la musique, me réjouis quand je trouve dans leur conceptions musicales un écho de mes conceptions personnelles de l’art et de la littérature,et si dans la journée j’ai écouté, grappillé, cherché à découvrir des œuvres inconnues, des sonorités diverses, souvent, avant d’aller dormir, je m’offre un petit concert de leurs disques. Et j’ai l’impression d’une intimité, une familiarité profonde avec eux (comme Eric avec Canto !)
Je m’interroge sur ce lien privilégié que les amateurs d’art nouent parfois avec un artiste.
Bien sûr, nous en discutons avec ma grande Charlotte, qui me dit, c’est comme moi pour Olivia Ruiz ! Bien sûr, s’agissant d’ados ou de jeunes adultes, on résout ou liquide le problème en les traitant de fans. Simple étiquette, qui ne résout rien pour les Eric Bishop comme moi.
Alors ?
Il y a d’abord le plaisir esthétique : une musique qu’on goûte, une émotion puissante, un son que l’on aime et reconnaît à coup sûr, des mélodies qui nous hantent, l’architecture délicate ou rigoureuse d’une composition, la qualité d’un rythme ou d’un phrasé, le besoin et l’envie de renouveler encore et encore l’émotion. La conscience que cette expérience représente un moment unique comme une faena, une passe, une action d’où sortira le but !
Il y a ensuite la fascination pour un talent dont on rêve et qui nous dépasse : un « ingenium » (et on se met à croire mal gré qu’on en ait aux dons et au génie) On mesure ce que coûte la culture de ce talent en efforts, en opiniâtreté, en dévotion exclusive, toutes choses dont on s’estime bien incapable.
Il y a parfois la chance de les rencontrer en vrai, de croiser un regard, un sourire, une anxiété, de communiquer un bref moment sur le plaisir qu’ils nous donnent, et de sentir avec étonnement qu’ils en sont contents.
Et de fans on deviendrait bien groupies de ville en ville si on en avait les moyens ou quinze ans…
Que de tendresse pour les deux Eric, que de « parti pris des choses » quand Ken Loach filme les objets et la vie de tous les jours …
J’aime ses cadrages, ses couleurs, ses personnages, le système de contrastes et de parallélismes de leurs rôles, Eric Bishop, ses collègues et le sacré Canto aux sentences à deux balles, pleines d’humanisme…Je l’ai vu en VF (la seule programmée dans ma cité), mais les maximes de Cantona en français consolent de n’avoir que la version française !
J’aime cet espoir qui frôle à chaque instant la tragédie, cet « optimisme désespéré », le dénouement «heureux» à la Molière !!!
Et j’aime ce rapport, vénération, intimité, confiance qu’entretient le personnage Eric avec son demi dieu homonyme …la force qu’il en reçoit.
Et je m’aperçois alors que chaque jour ou presque, je vais sur le site de RG,ou de deux ou trois autres musiciens favoris, je regarde où ils sont, ce qu’ils jouent ce soir,j’écoute leurs interviews, me situe par rapport à ce qu’ils disent de leur conception de la musique, me réjouis quand je trouve dans leur conceptions musicales un écho de mes conceptions personnelles de l’art et de la littérature,et si dans la journée j’ai écouté, grappillé, cherché à découvrir des œuvres inconnues, des sonorités diverses, souvent, avant d’aller dormir, je m’offre un petit concert de leurs disques. Et j’ai l’impression d’une intimité, une familiarité profonde avec eux (comme Eric avec Canto !)
Je m’interroge sur ce lien privilégié que les amateurs d’art nouent parfois avec un artiste.
Bien sûr, nous en discutons avec ma grande Charlotte, qui me dit, c’est comme moi pour Olivia Ruiz ! Bien sûr, s’agissant d’ados ou de jeunes adultes, on résout ou liquide le problème en les traitant de fans. Simple étiquette, qui ne résout rien pour les Eric Bishop comme moi.
Alors ?
Il y a d’abord le plaisir esthétique : une musique qu’on goûte, une émotion puissante, un son que l’on aime et reconnaît à coup sûr, des mélodies qui nous hantent, l’architecture délicate ou rigoureuse d’une composition, la qualité d’un rythme ou d’un phrasé, le besoin et l’envie de renouveler encore et encore l’émotion. La conscience que cette expérience représente un moment unique comme une faena, une passe, une action d’où sortira le but !
Il y a ensuite la fascination pour un talent dont on rêve et qui nous dépasse : un « ingenium » (et on se met à croire mal gré qu’on en ait aux dons et au génie) On mesure ce que coûte la culture de ce talent en efforts, en opiniâtreté, en dévotion exclusive, toutes choses dont on s’estime bien incapable.
Il y a parfois la chance de les rencontrer en vrai, de croiser un regard, un sourire, une anxiété, de communiquer un bref moment sur le plaisir qu’ils nous donnent, et de sentir avec étonnement qu’ils en sont contents.
Et de fans on deviendrait bien groupies de ville en ville si on en avait les moyens ou quinze ans…
Ensuite, le rapport bascule du plaisir esthétique vers un rapport plus complexe et intime de partage.
Partage d’une conception de la musique ou de l’art qu’ils expriment avec nous, pour nous, mieux que nous. Bruno M., que l’art est un cri de l’âme, chargé d’exprimer et de supporter la souffrance extrême et la joie absolue .
Richard G., qu’il refuse les frontières et les enfermements dans des classifications puristes, « classique » ou « jazz » « tango », « populaire » ou « savant »,que toujours il a cherché et cherchera à les franchir ; que l’accordéon est par essence voyageur , contrebandier de la musique classique, passeur de la linéa del sur, instrument des guinguettes ,des églises et des bordels, instrument de métissages.
Philippe de E qu’il joue Ravel , Berio et Piazzolla , mais ne se refuse pas le grand plaisir d’accompagner son ami B. pour une musique ni basque ,ni rock ,ni balloche,mais un peu les trois et beaucoup plus encore.
Il y a plus personnel encore, une affinité avec une conception de la vie, un partage de valeurs.
Il y a plus personnel encore, une affinité avec une conception de la vie, un partage de valeurs.
Je partage avec B.M. l’idée d’éducation et je le remercie de revendiquer, à la surprise de certains intervieweurs, son passé d’enseignant de collège comme vecteur d’enrichissement.
J’approuve et apprécie le projet engagé de Ph. De Ez., d’être par la force de sa musique, pour les enfants et ses publics un « passeur de culture », celle qu’on lui a « passée ».
Le rapport particulier, à la fois de partage et de dépendance, qu’ils entretiennent avec leurs compagnons de musique et avec leur public me rappelle modestement celui que j’ai tant cherché avec mes élèves et mes collègues de travail, un rapport d’enrichissement réciproque.
L’un des plus beaux compliments que j’ai reçus dans ma vie professionnelle fut : « Quand on travaille avec toi, on se sent intelligent. » Et en écoutant les musiciens que j’aime Richard Galliano, Titi Robin, Francis Varis, Renaud Garcia Fons, Bruno Maurice,Philippe de Ezcurra dans leurs formations, j’ai l’impression qu’ ils rendent les autres talentueux ou révèlent leurs talents .
Dans sa dernière interview (DVD), Galliano présente remarquablement ce que peut être l’accordéon dans ses différences et la permanence de son ÂME, le souffle, et explique sa recherche inlassable de partages toujours renouvelés avec des publics et des compagnons musiciens, parce que, dit-il, ce sont eux qui lui apportent l'ENERGIE(ce mot revient de manière récurrente) .
Et je me dis que c’est ce que j’aime dans sa musique, cette force vitale qu’elle transmet.
Il y a ainsi quelques musiques pour moi qui donnent vraiment du souffle et de l’allégresse, de la vitalité, du bonheur, et j’ai envie d’écrire :
Looking for RICHARD, for BRUNO, for PHILIPPE, for others…!!!
[1] J’ai bien aimé sur ce film la note Anglais de Maître Chronique Light, avec qui je fonderais bien volontiers un comité « Anti pisse-froid » !!!
Et je me dis que c’est ce que j’aime dans sa musique, cette force vitale qu’elle transmet.
Il y a ainsi quelques musiques pour moi qui donnent vraiment du souffle et de l’allégresse, de la vitalité, du bonheur, et j’ai envie d’écrire :
Looking for RICHARD, for BRUNO, for PHILIPPE, for others…!!!
[1] J’ai bien aimé sur ce film la note Anglais de Maître Chronique Light, avec qui je fonderais bien volontiers un comité « Anti pisse-froid » !!!
3 commentaires:
Quel hasard ! C'est justement par Maître Chronique Light que j'ai eu la bonne fortune d'arriver ici. Je n'avais pas lu cet article, mais de toutes façons, je suis une fidèle de Loach depuis "Family life". (Aïe, j'ai révélé mon âge...). Je projette d'aller voir "Looking for Eric", samedi, car il passe en V.O. dans ma petite ville. Votre article me rend encore plus impatiente. À bientôt.
Edith
A bientôt, Edith!!! Ecrivez-vous quelque part? j'irai vous lire avec plaisir...
En attendant sur mon blog, amicalement, FR
Malheureusement, je n'ai pas de blog et me contente de picorer et d'apprécier au hasard du web, la prose de personnes qui écrivent joliment, comme vous! Je n'ai pas encore tout lu, mais je vous ai répertoriée en bonne place dans mes "favoris". Encore quelques années de vie active, (je travaille dans une bibliothèque) et peut-être suivrai-je votre exemple, qui sait... À bientôt, Françoise.
Edith
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