BLOGS à GOGO, BLOGS à EGOS
« Misérable à mon gré qui n’a chez soi où être à soi, où se faire particulièrement la cour, où se cacher… » Montaigne, III,III, De trois commerces
Depuis que j’ai entrepris d’écrire des blogs, ma pensée une fois de plus divague, pédagogiquement ou personnellement, sur ces nouveaux objets « littéraires », (types d'écrits, aurais-je dit lorsque j’étais formateur)
Je suis frappée par leur foisonnement, en particulier chez les ados et les jeunes adultes, dont on prétend si faussement qu’ils n’aiment plus écrire ! (« Et pourtant ils écrivent !!! » pourrait-on dire à leur sujet, comme le fit Establet au sujet de leur lecture,)
Et en parcourant ces blogs au hasard au fil de la souris, je me dis souvent que les blogs sont « les journaux intimes » de notre époque.
Du journal intime ils ont l’écriture au jour le jour, le projet librement et personnellement entrepris d’écrire pour soi, qu’on s’impose soi-même de suivre, une sorte de discipline de l’écriture et de la réflexion.
Comme les journaux intimes ils parlent souvent de « soi », libres de leur sujet et des contraintes formelles de l’écriture, jusque parfois dans leur orthographe : « texte libre » (à la Freinet), de tout sujet, de toute norme de longueur, de toute contrainte de forme, soumis seulement aux limites de la « décence »et au respect du groupe social.
On s’y « exprime » et on « s’y raconte » sans se demander- en principe !- si cela peut intéresser un quelconque lecteur…
Et c’est là, littéraire incorrigible, que ressurgit pour moi la question classique si souvent posée (en particulier aux examens et concours) au sujet des journaux intimes :
« Ecrit-on réellement pour soi ou pour un lecteur virtuel ? »
Petite introspection faite, les deux sans doute :
Le premier temps est celui, délicieux, de l’expression, où l’on prend le temps d’écrire, de reprendre, de rapiécer, (et l’écriture à l’ordinateur est un lieu privilégié de ce raturage), de travailler ses phrases pour se plaire à soi-même ; le temps de la pensée paresseuse et libre sans censeur, sans échéance externe…. On pense aux Essais célèbres, raturés, repris corrigés ; ou à de non moins célèbres « Rêveries », à des « Pensées » fameuses, à des « Propos sur… » bien connus.
Mais après ce temps de l’expression, lorsque un objet élaboré est né et a pris forme, la crainte et le désir nous prend qu’il soit lu par quelqu’un : par qui , ? Nul ne le sait, le frêle esquif est lancé sur la toile, au fond tout autant livré au hasard que le journal de nos aïeules, enfermé dans quelque tiroir secret. Mais si frêle et hasardeux que soit « l’esquif », il trimballe au fond de sa cale notre secret espoir de rencontrer un lecteur .
En fait, ce qui accentue cette ambiguïté : écrit pour soi ?ou pour être lu ?, ce qui d’ailleurs différencie peut-être radicalement le blog du journal intime ,c’est son « édition ».Même si la publication qui s’ensuit ne débouche que sur des lectures aléatoires , être édité dans un lieu externe , parfois avec des normes imposées par le service blogger, confère au texte un statut particulier, une existence « externe » /à notre ordinateur , en somme détaché de notre sphère privée. Édité, ce texte acquiert une vie propre, une matérialité sensible, devient une œuvre.
La contradiction propre au blog –et en un sens sa modernité- réside peut-être pour moi dans le fait que cette édition ne débouche pas forcément sur la communication à un lecteur, encore moins sur un retour ou un échange. C’est le triomphe de l’expression sur la communication, de l’opinion individuelle sur l’échange des points de vue et cela malgré tous le luxe des apparats techniques existant : liens, contacts, mails, groupes de discussion…
Le besoin de s’exprimer tourne à vide, comme une perpétuelle bouteille à la mer. Une fois édité, on demeure souvent dans l’attente de l’improbable commentaire, de l’incertain retour. Finalement, comme Rousseau, nous déposons nos textes sur l’autel de Notre Dame « à la grâce de … »
La toile est une sorte de grand livre de pensées individuelles qu’on lit par bribes,( au mieux), et auxquelles on ne répond pas… ou peut-être ???
Mais non, , en fait, se produisent parfois au hasard des mots clés et des moteurs de recherche, des rencontres, des relations, des communautés d’opinions ou de goûts partagés…. Qui pour être inespérées, n’en sont que plus délicieuses !!!
« Misérable à mon gré qui n’a chez soi où être à soi, où se faire particulièrement la cour, où se cacher… » Montaigne, III,III, De trois commerces
Depuis que j’ai entrepris d’écrire des blogs, ma pensée une fois de plus divague, pédagogiquement ou personnellement, sur ces nouveaux objets « littéraires », (types d'écrits, aurais-je dit lorsque j’étais formateur)
Je suis frappée par leur foisonnement, en particulier chez les ados et les jeunes adultes, dont on prétend si faussement qu’ils n’aiment plus écrire ! (« Et pourtant ils écrivent !!! » pourrait-on dire à leur sujet, comme le fit Establet au sujet de leur lecture,)
Et en parcourant ces blogs au hasard au fil de la souris, je me dis souvent que les blogs sont « les journaux intimes » de notre époque.
Du journal intime ils ont l’écriture au jour le jour, le projet librement et personnellement entrepris d’écrire pour soi, qu’on s’impose soi-même de suivre, une sorte de discipline de l’écriture et de la réflexion.
Comme les journaux intimes ils parlent souvent de « soi », libres de leur sujet et des contraintes formelles de l’écriture, jusque parfois dans leur orthographe : « texte libre » (à la Freinet), de tout sujet, de toute norme de longueur, de toute contrainte de forme, soumis seulement aux limites de la « décence »et au respect du groupe social.
On s’y « exprime » et on « s’y raconte » sans se demander- en principe !- si cela peut intéresser un quelconque lecteur…
Et c’est là, littéraire incorrigible, que ressurgit pour moi la question classique si souvent posée (en particulier aux examens et concours) au sujet des journaux intimes :
« Ecrit-on réellement pour soi ou pour un lecteur virtuel ? »
Petite introspection faite, les deux sans doute :
Le premier temps est celui, délicieux, de l’expression, où l’on prend le temps d’écrire, de reprendre, de rapiécer, (et l’écriture à l’ordinateur est un lieu privilégié de ce raturage), de travailler ses phrases pour se plaire à soi-même ; le temps de la pensée paresseuse et libre sans censeur, sans échéance externe…. On pense aux Essais célèbres, raturés, repris corrigés ; ou à de non moins célèbres « Rêveries », à des « Pensées » fameuses, à des « Propos sur… » bien connus.
Mais après ce temps de l’expression, lorsque un objet élaboré est né et a pris forme, la crainte et le désir nous prend qu’il soit lu par quelqu’un : par qui , ? Nul ne le sait, le frêle esquif est lancé sur la toile, au fond tout autant livré au hasard que le journal de nos aïeules, enfermé dans quelque tiroir secret. Mais si frêle et hasardeux que soit « l’esquif », il trimballe au fond de sa cale notre secret espoir de rencontrer un lecteur .
En fait, ce qui accentue cette ambiguïté : écrit pour soi ?ou pour être lu ?, ce qui d’ailleurs différencie peut-être radicalement le blog du journal intime ,c’est son « édition ».Même si la publication qui s’ensuit ne débouche que sur des lectures aléatoires , être édité dans un lieu externe , parfois avec des normes imposées par le service blogger, confère au texte un statut particulier, une existence « externe » /à notre ordinateur , en somme détaché de notre sphère privée. Édité, ce texte acquiert une vie propre, une matérialité sensible, devient une œuvre.
La contradiction propre au blog –et en un sens sa modernité- réside peut-être pour moi dans le fait que cette édition ne débouche pas forcément sur la communication à un lecteur, encore moins sur un retour ou un échange. C’est le triomphe de l’expression sur la communication, de l’opinion individuelle sur l’échange des points de vue et cela malgré tous le luxe des apparats techniques existant : liens, contacts, mails, groupes de discussion…
Le besoin de s’exprimer tourne à vide, comme une perpétuelle bouteille à la mer. Une fois édité, on demeure souvent dans l’attente de l’improbable commentaire, de l’incertain retour. Finalement, comme Rousseau, nous déposons nos textes sur l’autel de Notre Dame « à la grâce de … »
La toile est une sorte de grand livre de pensées individuelles qu’on lit par bribes,( au mieux), et auxquelles on ne répond pas… ou peut-être ???
Mais non, , en fait, se produisent parfois au hasard des mots clés et des moteurs de recherche, des rencontres, des relations, des communautés d’opinions ou de goûts partagés…. Qui pour être inespérées, n’en sont que plus délicieuses !!!
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