Je n’aimais pas Léo Ferré .
Il était lié à la représentation
que j’en avais quand j’étais gamine…Deux amies de mes parents ne juraient que
par lui .Il représentait pour elles
le poète dissident , la remise en question du conformisme esthétique et des valeurs
sociales …le chanteur intello…
Je ne sais ce qu’en pensait ma
mère qui aimait les romans romanesques,
les chansons sentimentales et l’opéra, les belles voix claires et timbrées…elle
n’en disait rien ...c’est tout dire .
Quant à moi, vaguement
choquée, je n’aimais ni la voix ni les
paroles, et du coup je n’entendais guère la mélodie…
Et puis il y eut un accordéon,
celui de David , David Venitucci…
J’ai souvent raconté « les
toiles » de la culture, toile d’araignée en étoile…fils qui s’accrochent
et s’attachent les uns aux autres pour un tissu aérien parfois résistant malgré
sa légèreté.
Comment pour moi il y a la
culture ordonnée , organisée , celle de la littérature, celle de l’histoire
ancienne ou contemporaine , celle de l’histoire de la peinture. Celle qu’on
acquiert à l’école, à l’université, avec des « mentors », des profs, des enseignants, des livres. Parfois
la culture familiale est de cet ordre, transmise, sinon organisée
rigoureusement.
Et puis il y a la culture personnelle,
celle que nous ouvrent, dans des domaines inconnus les chemins de la curiosité et du hasard des rencontres.
Ce pourrait être un fil d’Ariane qu’on
déroule et suit, sauf qu’il n’est pas unique mais s’entrecroise avec une
pluralité d’autres fils.
L‘accordéon , pour nous et pour
moi, est un de ces fils précieux qui conduit à d’autre fils…car d’accordéon, il
n’y eut pas dans ma culture transmise, familiale ou scolaire . S’il y eut
de la musique, elle me fut de tout temps proche et inconnue,
apprentie pianiste médiocre, chanteuse de chorale par obligation, danseuse de
bals publics passionnée mais sans génie
et sans apprentissages.
L’accordéon, ce fut une
découverte tardive, le désir de partager avec Michel une découverte pour lui
aussi récente , une curiosité intellectuelle et fascinée pour cet instrument
mal aimé…l’accordéon est devenu toute une aventure….
« L’accordéon y a pas que »…mais
il nous ouvre des chemins de musiques multiples qui parfois retrouvent et recroisent des chemins anciens …
Et donc nous découvrons David
Venitucci et « Cascade »….
En plage 10, une mélodie
prégnante , de celles qu’on n’oublie pas . Qu’on écoute avec obstination
des fois et des fois… : « Tiens, je me dis avec u peu
d’étonnement c’est de Léo Ferré !!! » (presque :
c’est pourtant de Léo Ferré !)
ET c’était « Avec le
temps …. »
Puis le fil se perd en croisant
d’autres fils, la rencontre magique de Garcia Fons par exemple …
Avec le temps …qui passe…et tant
de musiques qui nous attachent au passage….
Et puis vient « Trio »(il
sera enregistré en Janvier !) et toujours sur ma même superbe introduction
de David, notes égrenées en plan multiples dont la montée émotionnelle prépare la mélodie que déroule, ligne claire
et prenante , le trombone « aérien [1]» de
Denis Leloup, et le charme agit …
Et puis, quand nous le
rencontrons, David chaque fois nous parle d’ Annick Cisaruk, sa compagne qu’il
accompagne pour chanter Léo Ferré …
Et le temps passe …Michel,
curieux impénitent, ne résiste pas à l’achat de « Léo Ferré, l’âge
d’or ». Il me dit : « C’est beau ! tu sais … »
Moi, depuis que je me suis prise
de passion pour le son de l’accordéon, et que j’ai perdu « les voix chères
qui se sont tues » ( sans même parler de Brassens) celles de Barbara, Nougaro ,Jean Ferrat, et même de France
Gall et Michel Berger, je ne m’intéresse plus aux chansons, toute absorbée par
les instrumentaux … Le scat à la rigueur … !
Mais on ne résiste pas l’appel de
l’accordéon de David
Je me suis mise à écouter leur
disque, avec obstination, comme tout ce que j’écoute, et je ne le regrette
pas !!!
D’abord la voix d’Annick Cisaruk
est magnifique, de nuances, de souplesse, de puissance, agile et ronde …
Et le choix des chansons me
ravit…
Car, outre des chansons très
connues de Léo Ferré :
Joli Môme
La vie moderne
…je découvre des musiques qu’il a
composées sur des textes que j’ai toujours adorées :
Sépulture, sombre Baudelaire
O triste de Verlaine
L’étrange et surréaliste Marizibill
, d’Apollinaire
Et deux précieux textes d’Aragon :
L’Etrangère
L’Affiche Rouge…
Toutes superbement
« orchestrées» et interprétées par David.
Et d’une écoute à l’autre je m’éprends de Léo Ferré :
Les Albatros ,dérision exquise,
Le bonheur,
La lune,
Et sommet du plaisir , conclusion
suprême, voilà encore le merveilleux Avec le temps, où la belle voix d’Annick interprète
remarquablement, la mélodie qui me hante …..
Avec le temps:
[1]
Le terme est emprunté à un article qui me parait remarquable , trouvé dans Citizen jazz du
21/11/2012 .Olivier Acosta.
http://www.citizenjazz.com/David-Venitucci-Trio-a-L.html
http://www.citizenjazz.com/David-Venitucci-Trio-a-L.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire