A la fin des Fourberies de Scapin, Scapin par ruse, pour éviter la punition , prétend être mourant. Mais à l’annonce du festin organisé en l’honneur des retrouvailles familiales, il s’écrie :
« Qu’on me porte au bout de la table en attendant que je meure !!! »
J’aime cette réplique : elle exprime pour moi ,toujours angoissée de maladie et de mort, mais toujours prête néanmoins à se laisser embarquer vers les plaisirs de la vie, ce qu’est la quête du bonheur.
C’est une sorte de Carpe diem. Mais je la préfère au Carpe diem, dans lequel, pour moi du moins, la notion de cueillette, implique quelque chose de déjà là, que l’on peut et doit saisir.
Je préfère la filouterie de Scapin, qui me semble suggérer qu’il faut de la ruse, une stratégie, un plan ourdi, le concours des autres, pour voler du bonheur à la vie qui en regorge mais enserre ses trésors dans des barbelés de soucis et d’angoisses…
Nous avons fait une fugue « musicale» à Perpignan samedi et dimanche qui me paraît la journée des bonheurs volés.
Ca commence comme un projet il y a presque six mois, un projet « Galliano » : Love Day vient de sortir…
A mon habitude, j’épluche, je surveille l’agenda des concerts de R.Galliano.
Déjà des soucis de santé pour mon beau père, déjà une demande d’aide qui s’installe, et que rien ne réussit à combler,ou apaiser, ni l’écoute,ni les diagnostics rassurants, ni les médecines de tous ordres, ni les séjours en clinique…
Quand s’ouvrent les locations de Love Day salle Gaveau, et à Montpellier, on inaugure un séjour en clinique dont on présage qu’il est à la fois incontournable et vain, qu’il ne donnera aucun résultat et nous devons renoncer…
J’écris à JMB (Ginga), qui avec la toute la courtoisie que je porte au crédit, parce que je l’admire, de l’équipe Galliano, m’indique Clermont Ferrand -impossible !!!- ou alors l’été, en juillet !!!(Que c’est loin, et que l’hiver sera long !!!)
Je trouve alors l’annonce de deux concerts à Narbonne et à Perpignan : Opale Concerto, un ensemble à cordes, Michel me parle des solistes de Toscane, oui cela doit être bien, réservons, réservons, à l’orchestre, il y déjà plusieurs rangs de retenus, mais le premier balcon, c’est peut-être bien….
La découverte des joyeux Pulcinella, dans la salle surdimensionnée et glacée de Bagnères puis dans l’espace exigu et surchauffé du Mandala …
Le concert de Fanfare P4 sous la halle de Portet puis avec notre Charlotte au Mandala…
Philippe de Ezcurra et la Pavane d’une impasse défunte dans la belle petite église romane de Brouqueyran
Les accordéons Daqui à Langon,
le trio Miyazaki et Bruno Maurice dans le lieu magique de Malagar…
Dans le jardin de Pau, un jour de neige…
Michel Macias à Bordeaux un soir froid de décembre tout illuminé des guirlandes des fêtes de fin année…
Noël et Nouvel An en famille, dans la maison d’Hossegor renaissante,
A notre table, un soir, une rencontre avec un musicien plein d’intérêt G.C …
Bruno jouant Piazzola dans le grand théâtre de Bordeaux …
Dans un appartement chaleureux, un repas partagé avec Bruno et Eléonore…
ET déboulant par surprise parmi ces bonheurs, la tempête, qui massacre notre chère forêt des Landes et nous fait craindre le pire pour notre maison bâtie entre les pins…
Et on se dit, c’est bientôt Richard !!!
Et voilà que la machine aux soucis se remet en marche, puis accélère, un jour sur trois, un jour sur deux, plusieurs fois par jour, et de plus en plus tôt le matin et de plus en plus tard le soir …
La veille du jour J, c’et le paroxysme,nous n’irons pas, trop risqué, trop inconscient, et comme deux enfants nous en pleurerions,en fait moi , j’en pleure …
Et voilà qu’à l’aube Michel dit, c’est trop risqué, c’est inconscient, donc on y va : nous téléphonerons toutes les heures, nous reviendrons s’il faut, mais nous partons, si l’on commence à céder aux angoisses, nous ne serons jamais plus libres, jamais plus heureux…
Et il fait assez beau, la route s’en va sous un vent violent, vers ces vallonnements de cyprès et caillasses où les amandiers fleurissent.
Aux pieds des chevaliers Cathares,la mer, au bout du chemin Perpignan,l’espagnole, son théâtre rouge et doré , des places bien meilleures que l’écran d’ordi ne le disait, au premier rang et de face …
Et …au bout des 400km de chemin….
De quoi faire notre retour d’enfants prodigues avec le cœur plein de chaleur, et de quoi avoir la force de réentendre la plainte de l’angoisse et de la mort…
Entre temps on s’est arrêté faire un bisou aux grandes et petites merveilles de notre vie, les enfants…
Au retour, le prunier nous attend…
Je pense alors à une petite fille courageuse, qui joue les petits soldats mais pleure le matin pour aller à l’école. Pourtant elle aime le travail qu’on y fait, elle sait se faire plein de petits copains mais les journées sont trop longues , trop fatigantes, trop loin des siens, trop lourd le souci de tout réussir…
Et voilà qu’un projet Carnaval vient rompre pour elle le Carême de l’hiver, enchante les esprits, et lui redonne au moment de partir énergie et envie d’école...
Les projets de l'école, ce sont parfois des bonheurs "donnés"...
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