samedi 29 mars 2014

Bourg Saint Andéol, les jolies surprises du festival...


Quand Pascal et Marie- Christine nous ont  « conté » Chopin…


Après un agréable accueil où un accordéoniste au joli son jouait en toute simplicité, de belles  mélodies, nous attendions  le premier spectacle  de Pascal Contet et Marie Christine Barrault... 
Une évocation de la musique de Chopin, au nom  poétique : Chopin/Sand, Terres de danses…

Nous aimons beaucoup l’accordéon de Pascal Contet, la finesse et la précision de son jeu, la délicatesse de sa virtuosité, la qualité de sa sonorité…
Mais si nous avions bien envie de l’écouter live, je n’aime pas pour ma part la lecture des textes à haute voix. Lire un texte est pour moi une entreprise personnelle, intime, et silencieuse…
Mais la jolie surprise, ce fut la voix bellement timbrée , au phrasé parfait, de Marie Christine, et le beau texte  proposé …
La première partie de ce texte exprime  avec élégance le voyage musical de Chopin à travers les « terres de danse », la Pologne, puis le Berry, qui nourrirent sa musique de la vivacité des rythmes de danse alliés à  cette tristesse fondamentale des terroirs qui s’accordèrent  si remarquablement à son rythme propre et à la musicalité mélancolique de son âme…

Même si je l’avoue, j’ai réellement préféré la deuxième partie de ce texte, plus nettement empruntée à George Sand, et en fait moins « documentaire » que la première,  où s’exprime avec émotion  le regard  de George Sand sur  Chopin, et, avec  une remarquable pertinence, ses considérations  sur  ces rythmes de danse auxquels il a donné une vie si nouvelle et si personnelle  , la mazurka ou la bourrée en particulier, ou  le Mineur et le Majeur .
L’alchimie remarquable que Chopin  sut opérer entre les thèmes et les rythmes de ces musiques et sa propre créativité musicale,  sa propre mélancolie, aussi déchirante  que dansante,  s’exprime avec bonheur par le bel accordéon de Pascal, le rythme délicat de ses notes, ou la musicalité légère de ses mélodies … Qu’il joue, en écho du texte, de beaux fragments  des Mazurkas, ou ses propres  improvisations… qui  en restituent remarquablement l’esprit …Pour notre plus grand plaisir…

Même si j’aurais aimé pour ma part que le plaisir de l’entendre durât davantage !


Ce n’est que partie remise !



Et, en attendant, comme  toujours quand nous écoutons des  musiques qui nous touchent, leur séduction appelle le besoin d’autres musiques,et... j’ai  repris tous mes disques de Chopin, en particulier ses Mazurkas sous les doigts de Jean-Marc Luisada…et comme je le fis il y a quelques années, je les écoute, je les écoute…
Voulez-vous les écouter aussi?




mercredi 19 mars 2014

L’illusion de l’éternel retour


Tout un chacun depuis quelques jours,  après de la pluie, de la pluie, de la pluie !   se réjouit du moindre éclat de lumière sur les  fleurs , superbes en ces prémices de printemps .On se dit « finalement les fleurs aiment donc la pluie ! » Elles ont patiemment puisé leur sève et leur énergie dans ses trombes d’eau, qui dégageaient les cailloux, ravinaient les fossés, transformaient les pelouses en rizières, et avec obstination, sérénité , l’air de rien ...comme glissant leur floraison dans la moindre éclaircie, la plus fugitive embellie… et elles surgissent  un peu partout… !
« Mars qui rit, malgré les averses ,
Prépare en secret le printemps »
Théophile Gautier

Joint à la beauté foisonnante de l’explosion végétale,  l’  éternel retour des saisons nous rassure et nous grise Depuis l’enfance,nous avons été bercés de sa poésie …
Parce que,  depuis l’enfance de notre langue, les poètes l’ont chanté :



L’ancêtre Charles (d’Orléans) :
« Le temps a laissé son manteau,
De vent , de froidure et de pluie, et s’est vêtu de broderies,
De soleil riant, clair et beau…. »*

Ils ont puisé dans le retour de la lumière un symbole pour conjurer le malheur, espérer dans le recommencement…

L’ami  Paul (Eluard)

Il y a sur la plage quelques flaques d’eau
Il y a dans les bois des arbres fous d’oiseaux
La neige fond dans la montagne
Les branches des pommiers brillent de tant de fleurs
 Que  le pâle soleil recule…

C’est par un soir d’hiver dans un monde très dur
Que je vis ce printemps près de toi l’innocente
Il n’y a pas de nuit pour nous
Rien de ce qui périt n’a de prise sur toi
 Et  tu ne veux pas avoir froid

Notre printemps est un printemps qui a raison

Evidemment il y a toujours eu parmi eux de ces esprits  pessimistes  ou bassement réalistes pour ne pas s’en laisser conter et pour en tout cas ne pas nous en conter .
Pour nous chanter les roses qui fanent ,
« Et Rose elle a vécu ce que vivent les roses
L’espace d’un matin… » (Malherbe)

Ou nous rappeler que le temps cyclique végétal n’est pas le nôtre !
 Notre merveilleuse Colette:« Tout s’élance et je demeure… »

Mais , pour moi, j’avoue me laisser  prendre toujours à cette promesse de fleurs et de soleil , comme si tout devait recommencer , en un temps cyclique de l’éternel retour…



Pour peu que les premiers soleils m’entraînent à retrouver la mer, calmée après la folie des tempêtes d’equinoxe , le sable dévasté par le vent se dorant sous les rayons  moins obliques  du presque printemps …



Je ne demande qu’à  m’y laisser prendre, au mirage du recommencement …des projets à venir, des joies à partager….
C’est le printemps viens t’en Pâquette
Te promener au bois joli
Viens ma tendresse est la régente
De la floraison qui paraît
La nature est belle et touchante
Pan sifflote dans la forêt
Les grenouilles humides chantent 
....avec  Guillaume (Apollinaire)

 Des musiques à découvrir , des rencontres nouvelles ou renouvelées d’amis, des jeux avec nos enfants, des progrès sociaux….  
« Rien n’est passé la vie a des feuilles nouvelles
Les plus jeunes ruisseaux sortent dans l’herbe fraîche…. »

MAIS quoi, faut pas croire , si on continue à lire le poète, petit bémol, éclair de lucidité dans...
...la grande illusion poétique :


L'homme ne mûrit pas il vieillit ses enfants 
 Ont le temps de vieillir avant qu’il ne soit mort
 Et  les enfants de ses enfants il les fait rire »











ET VOILA QU’IL PLEUT.!!!!!!!!!!





samedi 8 mars 2014

La Belle et la Bête…


J’ai toujours aimé l’histoire de La Belle et la Bête...
Et pourtant, je n’aime guère les contes de fée !
Et pourtant, c’est  encore une affaire d’éternel  féminin !
Il  faut dire que même s’il s’agit bien d’ « éternel  féminin »  c’est plutôt son autre versant qui s’incarne dans la Belle. Belle toujours, affectueuse et tendre, fidèle a ses engagements, courageuse et intrépide. Bref ! rien de la petite gourde effrayée et gaffeuse qui se met dans des situations impossibles, et ne s’en sort à tout coup que grâce à la force d’ un héros masculin, que notre féministe Anna Maria Belotti décrit en Cendrillon ou Blanche Neige.
Belle, vivant contraste avec ses sœurs, qui, elles, sont bien des gourdes à  la Anna Maria Bellotti, est pleine d’initiative et d’esprit d’entreprise…
Néanmoins comme le Petit Chaperon Rouge, elle n’échappe pas à la fascination de la puissance du loup et à la séduction de la bête,  ni non plus à l’espoir de la conquérir et de la transformer…
C’est bien une héroïne qui ne détonerait pas dans les  romans à romance , les romans à l’eau de rose que nous aimions ados , et  que disons –le,  nous aimons encore souvent(mal dégagées sans doute de  l’éternel féminin dans lequel nous fûmes élevées) , pour peu que leur écriture soit un peu  subtile et raffinée…
La Belle et la Bête fut longtemps pour moi un souvenir très enfantin, d’un conte raconté ou lu sans autre fioriture que son récit évènementiel, dans une édition banale dont je ne garde aucun souvenir. Puis  le souvenir enchanté et vague , aux images en noir et blanc où les effets merveilleux résidaient dans ma mémoire dans une impression de flous et dégradés de gris, et des  voix assez étranges pour moi , théâtrales  et travaillées, celle de Cocteau, le conteur, et celle de Jean Marais, La Bête.


En fait la vraie séduction récente,  elle date de mon intérêt  professionnel pour la littérature de jeunesse, la découverte que mon adoration enfantine pour Walt Disney, ses paillettes et ses princesses en tulle rose,  méritait bien mon admiration…Et, devenue grand-mère, je partageai avec ma Charlotte de délicieuses séances de VHS-­projection , et j’ai adoré La Belle et la Bête selon Disney !
Les deux personnages, la Belle , pur ovale à la Walt Disney ,bouche en cœur et yeux en amande , n’est pas une petite dinde  .Si existent  dans sa composition de son personnage justement des traits traditionnels des héroïnes de contes et de roman, transgression des choses défendues , impulsions imprudentes et incontrôlées, délicatesse des gestes et des attentions…..elle est aussi une femme en marge par ses goûts, l’amour fou des livres,   l’envie de s’instruire , de lire et de rêver,  et son désir  ( féministe ?, en tout cas déterminé) de vivre SA vie,  voire  une vie passionnante . Fille chérie d’ailleurs d’un père  inventeur, un peu « toqué », et « original » de son village…
Quant à la bête, tout en elle est ambigu: dans sa face effrayante à la mâchoire terrifiante,  le bleu regard de ses yeux évoque  un horizon mystérieux de douceur possible. Ses pattes puissantes, poilues et griffues, et son dos massif peuvent se courber de tendresse et  devenir des bras qui embrassent.
Et   Perrault  peut bien  prévenir :
On voit ici que de jeunes enfants,
Surtout de jeunes filles
Belles, bien faites, et gentilles,
Font très mal d’écouter toute sorte de gens,
Et que ce n’est pas chose étrange,
S’il en est tant que le Loup mange.
Cause toujours Perrault …
La Belle se laisse irrésistiblement  emporter  par une invincible attirance, évidemment  réciproque. Le dessin animé joue avec humour, tendresse et délicatesse,  l’argument aussi ressassé qu’immanquablement efficace de « L’ours et la Poupée ».


A ce pas de deux  de la séduction,  participent avec allégresse et humour les objets « enchantés » du  château,  objets  quotidiens dont la métamorphose n’a pas effacé les qualité humaines originelles, tendresse, drôlerie, fidélité , susceptibilité parfois…Leur ballet, leurs espoirs, leurs doutes, sont comme un contrepoint aux espoirs , aux doutes de la Bête,  et leur ballet endiablé à la danse de séduction  dans laquelle il enlace Belle dans ses grosses pattes tendres.

Et le dénouement est remarquablement simple …sans que les interventions des méchants, utiles aux rebondissements nécessaires,  réussissent tant soit peu  à nous perturber, tant est soutenable la légèreté de l’histoire…

Aucun doute La Belle et la Bête de Christophe Gans est en rupture remarquable avec cet univers léger .
D’entrée, je suis saisie par  la violence et la force esthétique des effets spéciaux, violence de la musique et du son, violence de l’ampleur des décors et des paysages…En fait je les trouve  beaux , incontestablement modernes, et saisissants. Plus fantastiques que merveilleux …


Peut-être un peu écrasants, tout -puissants dans l’histoire qui disparaît  dans l’immensité inextricable de la forêt, le vertige des travellings, les surgissements fracassants de la bête énorme….
Violence qui fait pleurer la petite fille de six ans  à peu près assise à côté de moi et qui cherche refuge dans le giron de son père puis de sa mère…Mais violence qui peut rivaliser avec les effets spéciaux des gros budgets américains  et capter les ados qui ont aimé Le monde de Narnia, que je n’aime guère, et récemment Twilight que j’avoue aimer…
Si la belle Léa Seydoux est une Belle lumineuse dont le beau visage  capte la lumière, sa grâce est comme rigidifiée par ses superbes atours  baroques, sa jolie taille fine  enserrée de   lourds satins brillants chargés   de  pierreries, et  ses blonds cheveux de  diadèmes de perles tressés en réseaux compliqués …
Quant à la Bête, je le trouve plus envoûtant en bête assez remarquablement construite , avec la posture dominante  de sa grande taille , sa puissance  animale inquiétante, et son beau regard  énigmatiquement humain, qu’en prince …Un prince, peut-être à l’audace prométhéenne, comme je l’ai lu, défiant les dieux…mais pour moi surtout brutal, à la chasse comme en amour …
Ni la belle ni lui ne réussissent  à me transmettre d’ émotion véritable …
En en conséquence rien d’émouvant non plus  ne me semble passer entre eux…
Rien du long chemin sur la Carte du Tendre, dont on suit les touchantes  péripéties, chez Cocteau ou Walt Disney…
Seule , et d’ailleurs puissante,  émotion sentimentale, la scène pour moi remarquable, de leur danse ...
Quant au père de Belle, Ô André Dussolier !, si sa composition a du moins le mérite d‘être fidèle au texte de madame Leprince de Beaumont , en  faire un riche armateur n’a pour moi que l’intérêt   de nous offrir le plaisir d’un somptueux spectacle de tempête, et de remarquables effets de naufrage.
Mais  leurs liens affectifs ne transmettent guère plus d’émotion que ceux de Belle et de la Bête…Je crois que je regrette en fait le délicieux personnage de Disney, l’inventeur loufoque , si marginal et si tendre….
Comme je préférais  le monde des petits personnages envoûtés  du dessin animé aux étranges et certes fantastiques  compagnons dont Christophe Gans a doté la Belle sans qu'il en ressorte la moindre tendresse...

Quant au dénouement …je préfère de rien en dire !
Sinon que j’aurais aimé que le film finisse sur la scène de la danse qui me semble en être le véritable dénouement,  le sommet de la Romance…

Mais que voulez-vous, j’aime , je le reconnais, la Mélodie dans la musique, le Sentiment dans les poèmes , et les Histoires qui font pleurer Margot …d’émotion !


PS : Tout à coup, je me rends compte que j’avais éprouvé un peu le même sentiment (ou absence de…) devant l’adaptation de L’Ecume des jours…